Le fusil tremble comme une feuille d'automne entre les mains fébriles de Bill. Il jette un œil à sa gauche. Le canon du Galil subtilisé vise toujours entre ses yeux. Depuis sa position retranchée contre la porte ouverte du bureau plongé dans la pénombre, Meyer ne le loupera pas. L'assaillant devenu assailli reporte son attention sur ce qui reste de son groupe. « Il a buté les autres, révèle-t-il d'une voix chevrotante. Il ne reste que moi, et le P'tit Louis ligoté près de lui dans ce bureau.
— Meyer! rugit Amalrik. »
Le capitaine prend le temps de tirer sur son filtre. « Ouais? répond-il sur le ton du héros d'un vieux western, cowboy si extraordinaire d'indolence.
— Qu'est-ce que tu cherches à part la merde, fils de pute?
— La fille. » Silence. « Tu vas bien, trésor? hèle-t-il alors
— Au poil, ironise Émilie depuis la pièce dont son frère l'empêche de sortir. Tu attendais tes renforts?!
— Je n'ai même pas pensé à appeler. Je me suis juste lassé de jouer. Allez, j'ai encore du boulot. Rejoins-moi.
— Crève, ordure, intervient le chef. Tu restes bien ta gueule là, toi. Et toi, Bill, bute-le!
— Je. Ne. Peux. Pas, martèle l'otage. Il m'aura buté avant. Non! s'écrie-t-il en mettant en joue son supérieur qui a fait deux pas en avant. N'avance pas! Pitié! M'oblige pas à faire ça, Rik. Pitié! »
Son arme tremble derechef. Mais il le fera. Meyer a été très clair sur ce qui lui arriverait s'il ne le faisait pas.
Abelone est encore sous le choc de la frénésie de son frère. Ça ne l'empêche pas d'y voir plus clairement que lui: elle était dans son camp jusqu'à ce qu'il la prenne pour cible. En menaçant de lui prendre sa liberté, il a fait d'elle le troisième comparse d'une impasse mexicaine.
La situation de statu quo avantage son frère, mais il est hors de question qu'elle soit son butin. L'idée la fait suffisamment écumer pour qu'elle se mette à rassembler les biens du capitaine sous le regard vitreux d'un Larron pétrifié de peur.
« Il ne te tuera pas, Bill, raisonne Amalrik. S'il le fait, il n'aura plus de bouclier.
— Tu crois? lâche le militaire. »
Phil écrase sa clope au sol, rajuste la cagoule réquisitionnée sous son menton, et sort de sa cachette, le surnommé P'tit Louis en rempart. Il reste prudemment à l'abri de ses deux captifs, prêt à plonger dans la pièce si ses vis-à-vis s'échauffent. Un unique œil bleu déborde du mur de chair en observation. « Soit on fait un échange où tu sors d'ici avec les quatre hommes qu'il te reste, soit je suis seul à quitter le commissariat avec la fille. »
Sa sœur. Sa petite sœur entre ces mains dégueulasses. Lui caresser les cheveux. Suivre ses courbes. Goûter sa peau. Un sourd rugissement de frustration lui incendie le torse. Il faudra qu'il lui passe sur le corps avant de pouvoir atteindre le sien! « Jamais! hurle-t-il en tirant le Glock à sa ceinture.
— Feu, ordonne Meyer à l'oreille de Bill. »
Ce dernier plisse les yeux, déglutit une salive compacte, et appuie sur la gâchette.
Le tonnerre se déchaîne sous le haut plafond. Les Bouffons n'ont pas cru que leur ami le ferait. Comme beaucoup, ils ont sous-estimé la force de persuasion de Meyer comme celle de la terreur qu'il personnifie. Ils n'ont même pas levé leur canon en défense avant d'être propulsés contre la balustrade de bois poli qu'ils arrachent en partie. Le gilet pare-balle à ses limites, tant en termes de puissance d'impact qu'en étendue de couverture. Léo en perdra un bras, et l'autre, qui ne valait même pas la peine d'être nommé, la vie.
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Black Bag [Terminé]
RomanceIl a suffi d'une fraction de la campagne électorale attisée par la peur. Deux semaines de matraquage médiatique durant les quatre mois de campagne, une énorme opération de médisance, et un seul slogan: "Votez contre Mercier". À l'heure de la victoir...