40. Exploiter les faiblesses: un travail d'orfèvre

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Tous les tiroirs sont fermés à clef. Aucun faux livre n'actionne de mécanisme secret. Il ne se trouve aucun bouton ouvrant un compartiment derrière les moulures. Pas plus qu'il n'y ait de courant d'air trahissant une pièce dissimulée. Abelone le sait! Elle a fait le tour de la pièce en palpant les meubles et en scrutant les mouvements de la flamme d'une bougie! Ouais, deux heures, c'est long lorsqu'on n'a rien à faire. Elle s'en souvient à présent: la télé, c'est surcoté. Entre battage et émissions abrutissantes, le lavage de cerveau est orwellien.

Étendue de tout son long, elle soupire bruyamment vers le plafond et s'étire sur le sofa autant que ses coups et blessures le permettent. Du bout de la langue, elle frôle celle à l'intérieur de sa bouche. Elle est moins douloureuse que prévu. Elle a pu manger en prenant la précaution de mâcher de l'autre côté. Un médoc et une tisane chaude ont fini d'apaiser sa gorge. La douche l'a lavée de l'arrière-goût répugnant de l'une des plus longues journées de sa vie.

Tout va bien.

Et tout ira bien tant que les chocs successifs ne percutent pas son esprit.

Donc, pour l'heure? Tout va bien.

Elle ferme les yeux. Un sol jonché de déchets éclaboussés de carmin surgit derrière ses paupières. Très vite repoussé. Depuis le temps, si elle n'avait pas trouvé la parade, elle ne pourrait plus fermer l'œil. Parfois, ce n'est qu'une succession sans fin d'images horrifiques. Mais là: tout va bien.

Son esprit saisit aisément la douceur dans un autre souvenir: une prunelle céruléenne se trouve caressée par la lumière. La pupille étrécit au centre du cercle qui se décolore sous l'action solaire. Jusqu'à n'y laisser qu'un pâle éclat translucide améthyste. Aby l'a découvert tout à l'heure en captant le regard sur le perron de la maison: le bleu des yeux de Meyer porte une touchante nuance de mauve qui ne se révèle qu'au soleil. Raison pour laquelle la jeune femme ne sait jamais s'ils sont plus proches de l'azur ou de la tanzanite.

Un détail. Dont l'image l'attendrit pourtant. Le capitaine-commandant Meyer, sociopathe fumeur compulsif, narcissique sans empathie, tueur de masse et tortionnaire... aux yeux lavande. Ça la fait sourire. Puis carrément rire dans le silence du bureau.

« J'applaudis ta bonne humeur! » Le cœur d'Aby bondit aussi brutalement qu'elle se redresse et se fige dans un jappement de douleur au rappelle à l'ordre de son corps. « Grosse merde! » peste-t-elle entre ses mâchoires crispées.

Adossé au chambranle, bras croisés sur son torse nu, Phil se contente de la toiser par-delà la fumée de sa clope. Ses cheveux gouttent sur ses épaules et une simple serviette lui ceint les reins. « Retour du nudiste, proteste-t-elle en se laissant prudemment redescendre dans le moelleux des coussins.

— Tu portes mon seul peignoir. »

Comme il le lui rappelle, elle ressert pudiquement les pans de l'habit trop grand sur son linge de corps révélateur. Le geste lui tire un sourire narquois destiné à la prendre à rebrousse-poil. « J'ai pu éprouver la douceur satinée de cette blouse, rappelle-t-il. Mais il me semble que tu portais un soutien-gorge dessous lorsque j'y étais collé.

— Ce qui arrive quand on lave du linge, c'est que certains mettent plus longtemps à sécher, fait-elle doctement, décidée à lui refuser le plaisir de se mettre en colère.

— Je peux te prêter un t-shirt.

— Pour que tu puisses fantasmer dessus?!

— Pour quoi d'autre? »

Elle secoue la tête entre désarroi et consternation. Irrécupérable!

« On m'a informé qu'une équipe de nettoyage avait retrouvé ton sac sous le siège avant d'une camionnette de rafle. »

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant