28. Vos bourses, vous les voulez comment?

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Meyer fait lentement le tour de la voiture en sondant les confins de la rue et fenêtres aveugles des immeubles. Abelone, obéissante amusée, attend qu'il lui ait ouvert la portière pour mettre un pied dehors. Elle lève les yeux et découvre la paume nue qu'il lui offre. Son cœur lui donne l'impression de battre quinze coups à la fois lorsqu'elle s'en empare. Une simple impulsion du bras puissant la redresse. Assez proche du torse pour que la chaleur en irradie entre les pans de sa veste trop fine pour la saison.

Troublée, elle s'éclaircit maladroitement la voix. « Je vais faire tâche dans mes habits de ville, désapprouve-elle en avisant la chemise de couturier qu'il porte avec décontraction au-dessus de son pantalon habillé.

— Tu es ravissante, assure-t-il sans s'encombrer d'ajouter l'émotion qui devrait aller de pair.

— C'est de ta faute aussi, fait-elle mine de reprocher. Ce n'est pas une tenue réglementaire, ça, Meyer. »

Un sourire en coin glisse sur les lèvres masculines et il pose la main qu'il retient sur son pectoral. La tiédeur du corps remonte le long du bras de la jeune femme et flambe à ses joues. « Non.

— Du coup..., laisse-t-elle traîner sa voix et sa paume sur la douceur du tissu. Pas de sac noir dans la poche.

— Non.

— Tu n'es donc pas venu pour ça, insiste-t-elle. »

Il se courbe sur sa pommette. « Pas pour le sac noir, non. » confirme-t-il d'une voix descendant dans l'octave. Rassurée que l'enregistrement ne lui valent pas un aller sans retour, Abelone se permet d'apprécier la chaleur des lèvres sur sa mâchoire. Elles se tracent un court trajet vers l'orée de sa gorge et la caresse combinée à celle du collier de barbe lui arrache une palpitation du corps telle qu'elle n'en a jamais connue. Serait-ce... de l'anticipation?

Phil se redresse et cherche la confirmation de ce qu'il a cru apercevoir plus tôt sur le joli visage. Pas de froissement de peur. Pas de contraction de déplaisir. Ni tout à fait de l'égarement. Il ne peut pas encore déduire qu'elle rend les armes. Tout au plus qu'elle ne sort pas les griffes!

Il love le bras autour de la taille flexible pour l'écarter du véhicule le temps de claquer la portière, et croise le regard vert qui le dévisage. Elle ne comprend pas. Elle s'était attendue à ce qu'il profite de son inaction pour en abuser. L'embrasser. Et se trouve presque déçue qu'il ne l'ait pas fait.

Il lui sourit simplement, entrelace leurs doigts pour l'entraîner vers l'huis de la brasserie, et elle rougit derechef. On ne lui a plus tenu la main ainsi depuis l'innocence de son enfance. Ça ne lui parait plus du tout innocent! Surtout par ce pouce qui forme de lentes arabesques sur sa peau sensible.

Il agit à l'instinct, il doit le reconnaître. Il sonde le terrain, incertain d'où elle en est. Elle ne le sait pas davantage! Elle se laisse porter par le moment et ça ne l'aide pas.

Dès le perron franchit, le capitaine mène les échanges qui les dirigent bientôt vers le fond de la salle. Abelone détaille les lieux pour éviter les regards des clients. La situation fait grimper son malaise en la rattrapant au pas de course. Mais qu'est-ce qu'elle fout là?

Parvenus à la table pour quatre dressée à sa demande à la discrétion des arches et piliers sculptés, Phil renvoie la tenancière d'un regard glaçant. Elle s'éloigne à pas rapides, en lui laissant le soin de débarrasser la veste et avancer la chaise à sa cavalière.

« Ton niveau d'anxiété a-t-il grimpé d'un coup, ou me fais-je des idées? interroge-t-il en prenant place à son tour, face à elle et la salle.

— C'est possible, marmonne-t-elle en gigotant.

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant