« La sauce est délicieuse! »
Rose tourne une expression réjouie vers son mari. « Merci, mon chéri!
— T'as changé quelque chose, non? questionne-t-il sans cesser de racler les dernières traces de la dite sauce du bout d'un morceau de chair fondante.
— Huh huh, opine-t-elle. Mais c'est mon secret! glousse-t-elle de plaisir. »
Le général joint son rire. « Dis-moi seulement s'il en reste!
— Dans la cuisine, confirme-t-elle dans un sourire complice. »
L'homme s'essuie les lèvres de sa serviette et se lève. Sa femme sait que son bonheur passe par son estomac! Elle l'a persuadé de prendre ces quelques heures pour se détendre et a mis les bouchées doubles pour le réconforter face à l'enfer qui se profile après le meurtre en direct d'un ministre adulé. Il est d'autant plus reconnaissant de s'être laissé convaincre depuis l'arrivée inespérée de leur fils. Accompagné, qui plus est! Avec cela, il ne peut que faire honneur aux talents de la cuisinière.
Jonas s'éloigne et sa petite-cousine Astrid, le suit distraitement des yeux jusqu'à l'arche d'où il ne disparaît pas totalement. Pour limiter l'intrusion à l'intimité du couple retranché dans la cuisine, il ne passe que la tête par la porte battante. Cela fait tiquer la demoiselle: il est chez lui quand même! Mais vas-y, dérange-les, on s'en fout!
L'animosité qu'elle ressent n'est pas due à son cousin éloigné (bienfaiteur de sa vie), ni à Philotas (gardien de son équilibre et de bien de ses pensées). Ce qu'elle voit d'un très mauvais œil, c'est l'invasion de cette libérale, progressiste, socialiste, et probablement écologiste. Que des gros mots dans son esprit!
Et le pire?! C'est que tout le monde a l'air de trouver ça normal.
Non, mais franchement, qu'est-ce que Phil peut bien foutre avec cette fille aux allures de pute anarchiste? Venant de son frère, elle l'aurait admis. Mais Phil peut se permettre de viser un meilleur standing, lui!
Son père de substitution coupe court à ses fulminations: déjà, il revient sur ses pas, les mains vides – Étonnant! –, un large sourire aux lèvres et le pas quasi sautillant – Carrément flippant! « Tout va bien là-bas? s'inquiète madame Meyer en faisant les mêmes étranges constats que leur enfant adoptive.
— Parfaitement! déclare-t-il en retrouvant sa place.
— Et la sauce?
— Oh! Ils l'amèneront quand ils auront fini de discuter, jette-t-il comme matière négligeable. »
Il la voulait cette sauce, pourtant, non? Face à l'air sceptique de son épouse, son sourire s'élargit encore – si tant est qu'il puisse! – et il se penche sur la joue tendre pour y apposer un baiser rassurant. « Tout est heureux. » lui murmure-t-il ce faisant.
Il ne faut que quelques secondes à la dame pour aligner les engrenages et sentir une bouffée de bonheur l'envahir. Oh bon sang! Elle le savait! Elle savait que son fils ne leur présentait pas une fille pour la première fois pour rien!
Elle rend impulsivement l'embrassade en serrant la main usée sur le bord de la table, et ils reprennent le repas, le corps plein d'allant et l'esprit tourné vers les spéculations d'avenir.
Rien n'aurait pu davantage jeter le trouble sous le crâne d'Astrid. Ses parents adoptifs, généralement si pudiques, se faire la bise à table?! C'est... effrayant. Elle contemple cette porte invariablement close qui corrèle leur joie d'une manière ou d'une autre. N'y trouvant aucune réponse à sa curiosité malsaine, elle s'en détourne en maudissant intérieurement.
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Black Bag [Terminé]
RomanceIl a suffi d'une fraction de la campagne électorale attisée par la peur. Deux semaines de matraquage médiatique durant les quatre mois de campagne, une énorme opération de médisance, et un seul slogan: "Votez contre Mercier". À l'heure de la victoir...