55. Visite languidée

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Abelone voudrait s'abandonner au sommeil et au sentiment de sécurité qui l'amollit dans les pires bras du monde. Mais ce n'est pas possible, lui apprend Philotas. « Tu as quitté la salle des seaux sans passer par la salle trente-huit. Il faut réparer ça.

— Tout ce que tu veux tant qu'il y a un lit dans cette salle.

— Tu ne penses qu'à baiser, trésor! »

Elle n'a pas la force de le frapper. Elle se contente de tirer les petits cheveux sur sa nuque sans ouvrir les yeux. « Sale con!

— Il faut te laver, revient-il au sujet.

— Ça peut attendre...

— Même vidée et récurée, si elle n'est pas ventilée correctement, la salle des seaux continent suffisamment de saloperies pour te ronger les chairs et te liquéfier de l'intérieur.

— Ah! Joyeux programme. C'est un peu tard pour prendre les devants, du coup.

— Limitons les risques. C'est tout ce que nous pouvons faire.

— Ta confiance est rassurante...

— La douche ne sera pas non plus un agréable moment à passer, prévient-il. »

Elle soulève les paupières pour le dévisager, mais il n'est pas plus expressif que d'ordinaire. Elle soupire et repose le front au creux de la gorge parfumée. Elle n'a plus qu'à se laisser mener et encaisser. C'est presque facile: avec Meyer, elle n'a le choix qu'entre blanc ou noir, oui ou non. Il n'attend pas de nuances de la part des autres.

Ils croisent bon nombre de pas qui s'immobilisent le temps d'un salut où on lui donne du capitaine ou du commandant sans même une trace d'étonnement. À croire que se balader dans les couloirs en portant une jeune femme en guise de cravate fait partie du quotidien.

Aby sait qu'ils sont arrivés lorsque la voix de Tyb reparaît. Il assure que tout est prêt et propose de garder la porte au cas où. Permission accordée, le capitaine franchit la porte blindée.

La pièce est aussi vaste qu'une salle d'entraînement universitaire et aussi sombre qu'une catacombe. Il y fait froid et humide.

Sans ralentir, Meyer longe une série de containers juste assez grands pour accueillir un corps adulte couché, contourne une rangée de baignoires neuves ou piquées par la rouille, et se dirige vers le mur du fond où des cloisons de blocs délimitent des compartiments deux à trois fois plus grands que la cabine de douche chez lui.

Rien n'explique vraiment l'utilité de cette étrange salle, mais les liens qui pullulent et les crochets qui pendent de rails au plafond mettent sur la voie. « C'est une salle de torture, affirme Abelone plus qu'elle ne questionne.

— Parfois. »

Il s'arrête devant un des grands box de trois murs au-dessus duquel une rampe de néons sales projette une lumière glauque. Un énorme bidon opaque et une bassine vide ont été préparés à leur honorable intention!

Meyer se penche pour récupérer ses bras et sa nuque. Délesté de sa charge, il récupère du matériel dans une armoire métallique. Il lui tend une bouteille. « Prend une gorgée sans l'avalée. Gargarise-toi et crache. » L'œil aiguisé la surveillant, il détache sa chemise d'uniforme, l'ôte, et empoigne l'arrière du col de son t-shirt de corps pour le passer par-dessus sa tête. Aby crache au-dessus de la bonde. « Je ne pensais pas que tu étais sérieux en parlant de baiser, déclare-t-elle dans l'espoir de dissiper son malaise.

— Déshabille-toi, ordonne-t-il sans relever. »

Elle tend ses bras menottés en haussant un sourcil laconique. Il observe les fers. Assez longtemps pour que ses bras tremblent de fatigue. Elle comprend ce qu'il fait: comme lorsque la prostituée de luxe lui a demandé si elle devait retirer ses groles, il pèse le pour et le contre. « Tu me les enlèves, bordel?! s'impatiente Aby.

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant