52. Quand le gant est jeté, une chaussure est ramassée

32 4 4
                                    

Rek reste quelques secondes immobile sur le lieu de sa mission. Il tire nonchalamment le smartphone de sa poche et compose un numéro pré-enregistré.

De l'autre côté de la ville, Meyer arrache l'essuie du crochet, efface l'eau qui interfère avec la tactilité de l'écran de son bracelet, et décroche sur haut-parleur. Au bord du lavabo, la voix rugueuse du sergent-chef s'élève: « 'Taine. On a un 'blème. » paraphrase-t-il sans le savoir, un certain major quelques heures plus tôt.

Reposé par sa grasse matinée – toute relative! – et détendu d'avoir délégué pour quelques heures encore, Phil continue de se rincer en invitant calmement: « J'écoute.

— Vous m'avez envoyé veiller sur Votre Protégée aux premières lueurs. Mais y'a plus de porte à laquelle sonner! Elle est au sol. »

Meyer fige le temps d'un battement de cœur et repousse avec agacement l'eau qui coule de ses cheveux extirpés à leur douche. Autant pour le calme et la détente! « Décris-moi ce que tu vois. » ordonne-t-il sèchement.

Le grincement des boots du sergent sur la tôle résonne jusqu'à sa salle de bain. « Pas de signe de lutte. Votre Privilégiée s'est laissée cueillir. Attendez... Ça sent le plastique brûlé. » Attendre? Ce n'est pas son genre. Il s'est déjà séché à la va-vite et s'empare du smartphone pour retourner à sa chambre. « Une carte à puce écrasée dans le coin cuisine, reprend Rek. Pareil pour un téléphone. L'odeur vient du micro-onde.

— Dedans. »

La porte gémit depuis son lit fait au carré. « Des disques durs. » Phil cale une cigarette au coin de son sourire et saisit son uniforme. Abelone a vu venir le danger et a pris le temps d'effacer ses traces. Elle ne le déçoit jamais!

« Ça vient de chez nous? questionne-t-il.

— Les marques de bélier correspondent à ceux de la Rafle, mais ça ne veut rien dire.

— Prends des photos et commence à enquêter du côté de la base. Je suis en chemin, conclut-il en enfilant le holster sur sa chemise ouverte. »

Rek confirme dans le vide: Meyer a raccroché. Il ne reprend les appels qu'une fois derrière le volant.

Le premier, joint le major responsable de la coordination de la Rafle. Son interlocuteur a le timbre faiblard mais reste sur ses positions: il ne fournira aucune information à la O.R.D.E. sans un ordre de l'État-Major. Les deux compagnies ne sont pas séparées pour rien, lui rappelle-t-il désobligeamment.

Il veut la jouer comme ça?!

Phil ne voulait compter que sur la discrétion de Balczarek, mais si le major jette le gant... Il appelle Tyb.

Sans surprise, ce dernier déclare le branle-bas à la Horde. Il arrache à leur lit des soldats lambda de garde la nuit précédente. Il délie des langues et remonte des pistes aléatoires en mettant le plus de bordel possible sur son passage. Son maître lui a donné carte blanche. « N'y mets pas les formes. Qu'on sache ce qu'il en coûte de nous mettre des bâtons dans les roues. » lui a-t-il dit.

La princesse a disparu! Le chien est lâché. Et s'il n'aboie pas, c'est qu'il préfère surprendre sa proie.

L'agitation est plus tangible à chaque kilomètre qui approche la confrontation du capitaine-commandant, et l'émoi s'étend rapidement au-delà des bureaux mis dans la confidence des recherches. Meyer n'a pas encore posé un pied sur le gravier que toute la base est sur les nerfs sans autre conscience que, si une partie de la Horde – même infime – est agitée, c'est que l'apocalypse est en marche.

Ils ne sont pas loin de la vérité: en une heure de trajet, Phil a eu le temps de monter en pression artérielle. Les Renseignements n'ont rien de nouveau sur un potentiel point de repli d'Amalrik, et la hiérarchie de la Rafle fait la morte.

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant