24. La pierre plus sensible que le cœur

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De la pierre! Sous ses paumes refroidies d'être restées éloignées des jets, le torse est presque brûlant. Brûlant, dur, poli, et mouillé, comme les galets usés réchauffés par les eaux perpétuelles des sources chaudes non loin du village où elle vivait lorsqu'elle était enfant. Réconfortants, même au cœur de l'hiver le plus glacé.

Et au-delà de la chaleureuse surface de cet être surréellement statique, les battements du cœur sont faibles et réguliers. Leur lenteur est surréelle. Comment cet organe peut-il pomper si tranquillement pour alimenter un corps aussi vigoureux? Il lui semble qu'il devrait sans cesse courir le marathon ou au moins pulser plus amplement. Ça serait plus logique, non?

Le pouls est plus tangible, plus en adéquation avec ce qu'il est, lorsqu'elle déplace la main vers le sternum. Elle en est soulagée. C'est mieux; c'est vivant.

Un hématome au centre vaguement rond fait écho à l'irrégularité de celui qui colore l'épaule. Il est plus impactant, presque noir, nimbé d'une large auréole aux contours dissolus qui se décline du rose au mauve profond.

La chair de poule parcourt les bras de la jeune femme. Sans le kevlar, il serait mort. Avec, il doit douiller. Elle n'imagine pas devoir respirer avec un bleu pareil sur les abdominaux. Alors, bouger!

Les rayonnements qui marbrent le ventre mènent inévitablement à l'entre-jambe. Elle n'en rougit pas. Elle se questionne. Elle ignore à quoi est censé ressembler l'appareil génital masculin. Tout ce qu'elle en connaît est interne et sale. Une arme. Quand on vous met un flingue sous le nez, vous ne vous demandez pas quelle est la capacité du magasin ou si le calibre va faire disparaître votre visage ou l'arrière de votre crâne. Quand une bagnole vous fonce dessus, vous ne vous interrogez pas sur le modèle, le nombre de cylindres, ou l'importation de la marque.

Hormis quelques notions de base, elle ignore tout de l'anatomie, du fonctionnement, ou du vrai sexe en général. Ce sont des sujets sur lesquels elle ne s'est jamais interrogée. Comment aurait-elle pu? C'est la première fois qu'elle voit un homme entièrement nu, et même si, à qui aurait-elle pu poser ses questions?

Est-il dans la moyenne? En quelle proportion grossit-il? Qu'est-ce qu'il ressent quand ça arrive? Tout cela change-t-il fondamentalement d'un homme à l'autre?

Elle recule inconsciemment d'un demi pas pour une meilleure vue d'ensemble. Le bout de ses doigts glisse sur la peau étonnamment douce. Et au milieu de cet absence de mouvement, elle est surprise par le tressaillement de l'objet qu'elle détaille. Elle glapit de peur en arrachant les mains du corps. « Et ça, ça n'a rien à voir avec le sexe? piaille-t-elle sans se détourner de la menace potentielle.

— Non, dit-il d'une voix neutre. S'il y a un courant d'air, tes seins vont réagir sans que ça ait rapport à l'excitation, fait-il constater. Si tu caresses un point érogène, mon corps réagit pareillement.

— Caresser?! J'ai frôlé tes abdos!

— Sensibles. » Il lui laisse quelques secondes pour se calmer avant d'éclaircir: « Ce n'est pas un objet avec une conscience propre, trésor. Les hommes apprennent ou pas à gérer, comme on apprend ou pas à contrôler son souffle et réguler son pouls. Il reste que certaines réactions soient hors de la rationalisation.

— Okay, soupire-t-elle en laissant retomber les mains qu'elle gardait à hauteur d'épaule comme s'il la braquait réellement. Okay. Tu ne l'as pas voulu, fait-elle plus interrogative que déclarative.

— Te faire peur est mon dernier souhait.

— Okay, répète-t-elle tel qu'on cherche à reprendre son souffle. »

Ses yeux se baissent au-delà de la ligne du poils pubiens qui tracent la direction entre nombril et centre névralgique. « Tu pisses le sang. » fait-elle remarquer.

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant