Parmi les murmures feutrés, la voix de Meyer porte une vibration inimitable. D'autant plus patente qu'Aby a la tête posée sur sa cuisse.
La porte se referme et la jeune fille patiente quelques secondes pour s'assurer qu'ils soient seuls avant de tester la rugosité de sa gorge: « Qu'est-ce tu fous là? ânonne-t-elle.
— Tes cauchemars m'empêchaient de travailler. »
Bien sûr, ça ne pouvait être que pour son bénéfice! Mais parce qu'une couette la couvre et qu'un coussin cale son cou dans une position confortable, elle ne lui en tient pas rigueur. Au contraire, en remuant le moins possible, elle emmêle les doigts à la couverture pour la relever jusqu'à la hanche du militaire pour mieux s'y blottir.
Bien qu'il puisse retourner à ses tâches, Phil ne la repousse pas. Il apprécie l'abandon dont elle fait preuve et la chaude pression du visage non loin de son aine. Pas tout à fait sexuelle ni tout à fait innocente, ça aiguillonne ses sens.
Trois petits coups se répercutent dans l'entrée. « Ouais?
— Le général Meyer, capitaine, souffle un soldat comme si on lui avait promis la perte de ses bourses s'il réveillait l'invitée du patron. »
Phil ne répond pas tout de suite. Il pose la main sur Aby, recouvre une partie du visage, les phalanges se perdant dans les mèches emmêlées.
« Fais semblant de dormir.
— Pas de soucis, j'suis bien là, agrée-t-elle, en passe de se rendormir. »
Il souffle un rire et ordonne qu'on laisse entrer. Des pas lestes traversent la pièce. « Alors? » chuchote le père. Après un bref silence, le haut officier soupire avec commisération. « Pauvre enfant, se lamente-t-il en investissant le fauteuil désigné par son fils.
— Elle n'a pas pris le chemin touristique, confirme-t-il. Elle va avoir besoin de vacances.
— Tu veux une permission spéciale pour rester avec elle?
— Oui.
— Considère que tu l'as. »
Philotas opine en guise de remerciement et l'homme s'avance sur le siège pour une meilleure vue, tant sur la belle endormie que sur la table basse envahie de paperasse. « Depuis quand t'occupes-tu personnellement des avis de décès?
— Depuis qu'il s'agit du sien. »
En assénant la nouvelle, il dévisage son père et presse doucement le bout des doigts dans le cuir chevelu de l'helajïste en appel au calme. Elle ne bronche pas. Elle ne se sent pas intimement concernée. Phil lui a ordonné de ne pas intervenir et son esprit n'est pas suffisamment reposé pour s'en rebeller (ou ne serait-ce que tenir une conversation). Il le sait pertinemment! S'il y a quelque chose à réparer, elle devra gérer plus tard. En attendant, elle laisse faire. Elle n'a pas le choix.
« Il va falloir que vous m'expliquiez ça, commandant! » En reprenant le vouvoiement, Jonas a aussi pris l'intonation éminente que son fils garde en tout temps. Il n'est pas content!
« Émilie Brown est une fausse identité. » Abelone s'exaspérerait bien, mais à vrai dire, elle l'a senti venir. Elle se doute qu'il l'a demandé en mariage par profit personnel et il aura besoin du soutien d'un haut gradé pour obtenir l'autorisation obligatoire à toutes noces militaires. Pourquoi reculerait-il à utiliser la liaison intime qui les lie pour l'aboutissement de ses plans? Rien de nouveau de sa part!
« Pardon?! »
Au lieu de répéter, Philotas tire légèrement la couette. Elle ignore ce qu'il lui montre: son doublon est caché par plusieurs couches de vêtements. Mais le général soupire à nouveau et s'enfonce dans les coussins comme si le poids du monde l'y affaissait. Il lui a suffit de voir les poignets pressés l'un contre l'autre même dans le sommeil. Un effet durablement ancré lorsqu'on subit un long enfermement affublé de fers, et revient aussi rapidement qu'il est difficile à s'en défaire. « Heljaïste, dit-il simplement. Depuis quand le sais-tu?
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Black Bag [Terminé]
RomanceIl a suffi d'une fraction de la campagne électorale attisée par la peur. Deux semaines de matraquage médiatique durant les quatre mois de campagne, une énorme opération de médisance, et un seul slogan: "Votez contre Mercier". À l'heure de la victoir...