« Couché à plat ventre? propose le clopeur fou.
— Hors de question, aboie-t-elle. Reste debout.
— Sur le ventre, tu ne seras pas déstabilisée si je commence à bander. Et ce sera plus confortable pour toi.
— Je m'assieds sur le tabouret, ce sera suffisamment confortable. Et je peux encaisser maintenant que je sais à quoi m'attendre. »
Un sourire séduisant illumine d'amusement le regard bleu. « Tu ne sais pas, non. » s'égaie-t-il. Elle prend une mine sévère pour lui désigner le meuble à vasque contre lequel elle lui a déjà dit de s'appuyer. Hors de question qu'elle le laisse s'alanguir sur le matelas de sa chambre. Si elle doit endurer d'avoir ses fessiers musclés et sa ceinture d'Adonis sous le nez, il va payer avec elle!
Il obéit sans perdre son petit air satisfait. Si rien ne se passe au niveau du cœur de Meyer, sous ce crâne sournois tournoient tellement d'habileté que ça lui file le tournis. Elle commence à concevoir la difficulté à rester perpétuellement aux aguets en sa présence. Il l'endort progressivement, tandis que lui, n'est jamais en pause, jamais perturbé par des émotions parasites.
Pas pour rien que l'armée l'ait recruté: c'est une putain de machine! Fiable, à sa façon.
L'homme a préparé un plateau de matériel à portée de sa main. Abelone est plutôt impressionnée par ce dont il dispose à domicile. « Tu te recouds souvent? questionne-t-elle en déchirant la pochette contenant l'aiguille courbée à pointe triangulaire.
— Tu recouds souvent? renvoie-t-il en surveillant les mouvements assurés de la pince stérile extirpant l'aiguille.
— Pat. »
Il sourit sans qu'elle ne le voit, toute concentrée qu'elle est.
Elle croise le pied avec celui du tabouret pour le rapprocher une dernière fois. Elle se retient de resserrer les pans du peignoir chaparder: ses mains, comme le champ autour de la plaie, ont été désinfectés.
« Détends le muscle et on est parti » Il plie superficiellement le genoux, relâchant la cuisse blessée. En arrière-plan, l'ischio-jambier et mollet de l'autre jambe s'en gonflent puissamment en compensation du poids à supporter. Elle ferme les yeux en agitant la tête d'exaspération. Et elle s'y met.
Elle pique. Meyer ne bronche pas. Elle grimace. Même pas la satisfaction de le voir souffrir!
« Quelles sont tes relations avec les braqueurs? »
La question fend le silence mais pas sa concentration. Elle répond d'une voix égale sans décoller le nez de sa tâche: « Ah. Je me disais bien que tu ne m'avais pas ramené ici par bonté d'âme.
— Je t'ai ramené parce que tu me collais au train, en état de choc, et que tes affaires sont toujours ici. Je n'avais pas besoin de le faire pour t'interroger. Aurais-tu préféré la prison?
— Vas-y, essaie de me faire croire que tu me fais une fleur. Ça ne prend pas, Meyer. »
Un frémissement commence à se percevoir superficiellement sous ses doigts. Premier signe de faiblesse du célèbre capitaine-commandant Phil Meyer. Alléluia!
Le frémissement devient tremblement léger et le travail d'Abelone se complique. Plutôt que de fustiger le militaire pour un mouvement qu'il ne maîtrise pas, elle empoigne l'arrière de la cuisse pour le diminuer. C'est aussitôt une autre partie de l'anatomie qui s'éveille. « Rappelle-moi pourquoi tu n'as pas de caleçon, grince-t-elle.
— Je ne sais plus quelle excuse je t'ai donné, taquine-t-il.
— T'as de l'humour pour un psychopathe! raille-t-elle à son tour.
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Black Bag [Terminé]
RomanceIl a suffi d'une fraction de la campagne électorale attisée par la peur. Deux semaines de matraquage médiatique durant les quatre mois de campagne, une énorme opération de médisance, et un seul slogan: "Votez contre Mercier". À l'heure de la victoir...