53. Meanwhile... (parce que c'est plus joli que "Pendant ce temps...")

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Bien le bonjour!

J'ai eu le temps d'écrire deux chapitres ce week-end, donc, "stay tuned"! le chapitre suivant est publié dans la foulée après une ultime relecture.

Bon courage pour cette nouvelle semaine, et bonne lecture.

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Trois hommes encerclent une forme avachie dont ils ne savent que faire. Un nouveau jour de redoux va se lever, et le sergent-chef est parti en service commandé en ne leur laissant qu'un ordre et aucune condition: « Débarrassez-moi de ça! » résument-ils. Ce type fout suffisamment la chair de poule pour pousser son équipe à la même efficacité avec laquelle il extirpe les plus intimes secrets des tréfonds de l'Exérèse.

« Une sale blessure raccommodée à la hanche, mais pas de numéro d'identification sur l'avant-bras, déplore le premier.

— Génial! grince l'autre. Encore un connard qui n'a pas fait son boulot.

— Doublon! s'exclame victorieusement le troisième. »

D'un même geste, ils reculent d'un pas pour contempler la découverte. « Ok. Et maintenant?

— Au bon vieux temps, on l'aurait foutu au crématorium et on n'en parlait plus.

— Maintenant, faut tout justifier par quinze documents signés dix fois.

— Ouais, ouais, c'était mieux avant, se moque fraternellement le cadet.

— Écoutez, interrompt le vétéran avant que les vannes ne fusent. On doit vider le local? C'est ce qu'on va faire. Un bras chacun, je vous ouvre les portes. »

Acquiescement général, ils se mettent à l'œuvre.

La prisonnière est un poids mort semi-conscient sous leur poigne. Rien dont deux costauds ne puissent venir à bout. Traînant leur charge, menton sur la poitrine et tibias raclant le sol, ils se tracent un chemin à travers le service. Le premier ouvre la voie et ordonne leur passage sécurisé.

Dans un dernier ahanement bruyant, la captive est soulevée et rejetée sur un matelas à peine plus épais et confortable qu'une planche de bois. Ils se frottent les mains: mission accomplie! Ni vu ni connu! Allez, ciao!

Pour eux, là s'achève le voyage et la narration qu'ils rendent des heures plus tard à leur capitaine de plus en plus irrité, quelques instants avant que le grésillement de la radio de Rek ne les interrompe.

Pour Abelone, c'est un changement d'air dont elle n'arrive pas à apprécier la teneur. En basculant sur le lit de fortune, la déchirure du sac s'est avachie sur sa joue. L'air ne lui fera pas totalement défaut tant qu'elle restera engourdie par le malaise. De là à dire qu'il ne lui manque pas, il y a tout un monde!

Elle gît lourdement sur l'angle douloureux formé par son épaule. Ses jambes sont emmêlées sans ordre; ses poignets, immobilisés dans le dos.

C'est finalement le sang retenu dans l'articulation qui alertera ses méninges. Elle tente de se repousser, de ramener l'épaule devant elle. Une bien faible tentative. À peine un tressaillement avorté capable d'attester qu'elle est en vie, et lui rappeler que son cerveau a besoin d'oxygène si elle veut que ça reste le cas.

En se frotte le visage à la rugosité du sac, tâtonne du bout du nez à la recherche de l'ouverture. Enfin, ses poumons se gonflent d'une faible brise bataillée, et elle soupire de soulagement.

La jeune femme reste un long moment dans la même position, à réapprendre comment faire fonctionner son corps. Elle repousse le moment où elle devra analyser ce qui l'entoure: les voix. Il n'y a que des voix. Partout. En échos; en murmures. En cris; en rires. En français; en langue d'Hel; en d'autres dont elle ne connaît rien. Des bruissements et du tapage se réverbèrent sous une haute toiture. L'ambiance villageoise d'un millier d'âmes sous un marché couvert dont elle ignore si elle vient d'elle-même ou est étouffée d'en dehors.

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant