Abelone le dévisage avec effroi. Comment peut-il la remercier pour tout ce qu'elle a fait et conclure sur une telle phrase? C'est son ami, bordel!
Raflée... Meyer?! Elle va être raflée. Les menottes. Le bâillon.
Le black bag.
Ses muscles raidis n'ont pas le temps de fléchir pour prendre la fuite. Le menton de l'homme fait un bref mouvement et deux armoires à glace lui empoignent les bras et les épaules par derrière. « Dino? » couine-t-elle. Il lui tire les poignets et des menottes se ferment dans une sinistre série de cliquetis. « Alfredino!
— Polo a été chopé par la O.R.D.E. y'a deux jours, Aby. On doit se protéger.
— Mais... Ça n'a aucun sens! Où sont les jumeaux? »
Un type la fouille tandis qu'il continue de lui rendre pesamment son regard. Sur quel message, si ce n'est celui qu'il ne puisse rien dire ou faire pour elle. Meyer pourrait. « Ses papiers d'identité. » indique le gars en tendant le laissez-passer à Dino. Il déchiffre rapidement la carte et l'empoche en acquiesçant. « Amenez-lui.
— Dino! proteste-t-elle sans obtenir de réponse. Alfredino! »
Elle ne peut pas se débattre. À peine rouler des épaules entre les poignes d'acier qui l'entraînent. Des portes sont ouvertes et son ami disparaît du champ de vision agrandi de son regard hagard. Les couloirs de l'aile qu'ils empruntent sont encore plus dépouillés que le corps du bâtiment. Des vestiges de ce qu'était la division d'art antique, il ne reste que quelques pancartes aussi modernes que couvertes de moisissures, et du papier peint ancien qui vire aux lambeaux.
Aucun visiteur n'est admis de ce côté du bâtiment, et même les miliciens, le visage camouflé de cagoule ou du keffieh devenu emblématique de leur fonction, se font plus rares.
Meyer?
Leurs pas retentissent sous les hauts plafonds et les colonnes de pierre comme les heurts sur la baignoire font vibrer les tympans sous l'eau. C'en est assourdissant! Il rythme le gong de la fin. Abelone, alias Émilie Brown, marche vers sa rafle.
Mais rien ne l'oblige à coopérer!
Ses genoux ploient. Ses jambes disparaissent sous elle. Déstabilisés, les hommes laissent glisser leurs prises sans lâcher. Elle détend alors tous ses muscles. Un vrai poids mort qui s'affaisse entre eux. S'ils veulent l'emmener, il faudra qu'ils la traînent.
Les deux se jettent un regard incrédule. « Elle est tombée dans les pommes! » Ah! Elle ne s'était pas attendue à ça, mais s'ils lui offrent de prouver ses talents d'actrice, elle ne va pas cracher dessus. « J'croyais que c'était une foutue badass, râle l'autre en essayant de retrouver une prise sur son articulation amollie.
— Garde ton opinion pour toi et aide-moi à la hisser sur mon épaule.
— Non, faut utiliser la technique des pompiers. Comme on porte les agneaux.
— Un agneau de soixante kilos! »
Goujat!
Abelone reste passive pendant qu'elle est soulevée et ballottée, à filer la gerbe à quelqu'un de plus sensible à la cinétose. Son abdomen heurte le dos sans ménagement. Heureusement, son borborygme est enseveli sous le grognement du type. « Doucement, connard! reproche-t-il en écho de sa voix intérieure. Lombalgie, tu connais?!
— Tu parles comme un vieillard.
— Tu vas parler comme un mec mort.
— Les morts peuvent pas parler, répond l'autre, très premier degré. »
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Black Bag [Terminé]
RomanceIl a suffi d'une fraction de la campagne électorale attisée par la peur. Deux semaines de matraquage médiatique durant les quatre mois de campagne, une énorme opération de médisance, et un seul slogan: "Votez contre Mercier". À l'heure de la victoir...