𝔈𝔰𝔱𝔥𝔢𝔯𝔦𝔞𝔩, 𝔪𝔶 𝔢𝔭𝔦𝔠 𝔩𝔬𝔳𝔢 ❦ [TERMINÉ]

~Thirty

-"Esther !"

Fred accourut pour l'enlacer mais elle garda les yeux baissés, alors il s'arrêta devant elle et tapota maladroitement sa tête.

-"Content de te revoir." Dit-il simplement.

Elle hocha vaguement la tête et monta dans le wagon, laissant sa main retomber le long de son corps fébrile.

-"Laisse-la mon pote." Dean le bouscula en souriant. "Tu vois bien qu'elle ne veut pas de toi."

-"Arrête de parler." Il le bouscula en retour. "Elle est juste encore en deuil."

-"Elle t'a jamais voulu." Il grimaça. "Elle a préféré Malfoy."

-"Simplement pour se venger parce que j'ai embrassé Angelina. Elle l'a quitté pendant la dernière bataille."

Il la regarda au-travers du hublot de la porte s'asseoir seule près de la fenêtre dans son compartiment.

-"J'ai encore ma chance." Dit-il en la fixant jusqu'à ce qu'elle disparaisse de sa vue.

Il alla s'asseoir près de son frère dans le compartiment voisin.

Estherial posa son sac sur la banquette face à elle et s'allongea sur la sienne, les mains jointes sur sa poitrine, les yeux posés sur le plafond terne.

Harry regarda par le hublot à son tour, et voulu entrer, mais Hermione l'en empêcha d'un coup de tête.

-"Laisse-la." Dit-elle doucement.

-"Personne n'était là pour l'enterrement." Dit le garçon en fronçant les sourcils. "On devrait au moins être-"

-"Malfoy peut s'en charger."

-"Mais ils ont-"

-"Laisse-la." Répéta Hermione en soupirant.

Il hocha alors la tête et la suivit dans un autre compartiment, mais Ron entra dans le sien et alla s'asseoir près de son sac sans un mot.

-"T'as pas besoin de me parler durant le voyage." Dit-il tandis que les portes se verouillaient, signe que le train partait. "Je peux meubler tout seul."

Il commença à raconter ses vacances. L'enterrement de Sirius, les pleurs peu discrets d'Harry qui avait dormi dans sa chambre et l'avait empêcher, lui, de dormir. La visite de la maison qu'avait acheté Sirius pour eux deux. Son enfance, également. Qu'il avait joué au Quidditch comme jamais avec le père d'Harry.

Elle ne dit rien. Elle se contenta de fixer le plafond sans cligner des yeux, sentant à peine sa rétine brûler.

Elle entendait ses paroles mais ne les écoutait pas. Les mots effleuraient ses tympans sans arriver à son cerveau, elle les gobait et les recrachait.

Elle s'en fichait royalement. De l'enterrement de Sirius Black, de sa jolie petite maison au bord de la mer.

Elle savait que Ron tentait, à sa manière, de lui changer les idées.

Mais il ne comprenait pas.

Elle se fichait de Sirius Black.

De sa maison, de sa vie, de sa mort.

Pauvre Sirius.

Pauvre Sirius, mais pas pauvre John.

Pauvre Harry, il a perdu ses parents, son parrain, il a tout perdu.

Estherial ? Elle n'a jamais connu sa mère, elle ne peut pas lui manquer. Elle n'a perdu que son cousin éloigné et son père.

Pauvre Harry, mais pas pauvre Estherial.

Parce que, après tout, elle n'était pas l'Elu. Elle ne savait pas ce que c'était d'avoir un fardeau sur ses épaules et de se sentir fautive pour la mort de ceux qu'elle aimait.

Elle ne savait pas ce que ça faisait de pleurer des jours entiers pour une personne. Elle ne savait pas ce que c'était que d'avoir le monde sur ses épaules. D'avoir des convictions qui attente à la vie de nombreuses personnes.

Non, elle ne savait pas. Parce qu'elle n'était pas Harry Potter, alors même si elle savait, le monde s'en ficherait.

Elle sentit une larme rouler sur sa joue mais Ron ne la remarqua pas, occupé à décrire les fleurs qu'il avait déposé sur la tombe de Sirius avant de partir.

Harry Potter.

Le pauvre Harry Potter qui n'avait personne, qui avait tout perdu.

Mais, bizarrement, qui avait tout le monde à ses côtés. Qui avait pu offrir un enterrement digne de ce nom à un échappé de prison. Un meurtrier aux yeux du monde.

Et elle, qu'avait-elle pu offrir à son père à part sa présence et ses larmes ? Lui qui était respecté au sein de la communauté magique, qui n'avait jamais dévoilé son identité de Mangemort, qui était connu même du ministre en personne.

Connu, apprécié, mais pas autant que le parrain d'Harry Potter.

Lui aussi était mort en héros.

Alors pourquoi Ron ne parlait-il que de Sirius ? Elle voulait le détester.

Ce maraudeur qui, même mort, ne faisait parler que de lui.

Elle aurait voulu le haïr. Mais elle l'appréciait, elle aussi.

Il avait été gentil avec elle, et elle le regrettait.

Alors pourquoi personne ne pouvait parler comme ça de son père ?

John Kristan Valdez.

N'était-ce pas un nom assez glorieux ?

Un mort parmi tant d'autres.

Finalement, Ron s'endormit. Sa tête roula sur le côté et s'écrasa sur son sac, et il se mit à ronfler lentement.

Elle laissa son bras pendre dans le vide, frôlant le sol de son majeur.

-"Mon père aussi jouait au Quidditch." Dit-elle alors, la voix rauque d'avoir si peu parlé. "Avec ma maman, ils étaient les meilleurs de leur promotion."

Elle sentit ses yeux brûler lorsque les larmes remontèrent.

-"Il adorait les éclateroles. Il détestait cuisiner mais le faisait parce que ma mère ne savait pas le faire. Quand j'étais petite, il me disait qu'elle était le soleil dans le ciel et que c'était pour ça que j'avais l'impression qu'il me suivait partout."

Elle ravala un rire.

-"Maintenant, il est la lune je suppose."

Elle continua lentement de parler de lui, et se releva pour regarder le soleil briller de mille deux dans un ciel sans nuage.

Et, derrière la porte, Draco se racla la gorge et repartit dans son compartiment, décidant qu'il y aurait de meilleur moment pour lui parler.