𝔈𝔰𝔱𝔥𝔢𝔯𝔦𝔞𝔩, 𝔪𝔶 𝔢𝔭𝔦𝔠 𝔩𝔬𝔳𝔢 ❦ [TERMINÉ]

~Seventy-one

-"Esther."

Ron s'arrêta devant la jeune femme et déglutit avant de regarder Blaise qui sortait de la foret quelques pas derrière elle.

-"Ron." répondit alors la jeune femme.

Le rouquin plongea son regard dans le sien et durant un instant, ce fut comme si tout redevenait comme avant, comme s'il n'y avait que lui et elle, rien que tous les deux sur la colline de leur école, la lune s'élevant avec grâce dans un ciel sans nuage.

-"Harry est allé-" commença alors le garçon et elle le coupa.

-"Je sais." dit-elle la gorge serrée. "Je l'ai vu."

Les yeux du garçon miroitèrent, noyés dans les larmes qui remontaient, et il tenta de rester de marbre, sa lèvre inférieure tremblante étant sa seule erreur. 

-"On y va ?"

Et soudain la voix de Blaise brisa le mythe, l'hallucination qu'ils avaient cru un instant être réelle, la bulle qui s'était formé autour d'eux-deux et qui venait d'exploser : le vent froid du Nord caressa leurs peaux pour mieux les préparer à la froideur de la mort, la lune sembla trembler et sa faible lumière vacilla dans le ciel nuageux, Hermione derrière le rouquin s'impatienta, Blaise derrière la blonde tapa du pied, ils n'étaient plus seuls et tout avait changé.

Ron détourna le regard et Estherial se racla la gorge.

-"Allons-y." répondit-elle alors et Ron redescendit quelques peu vers Hermione avant 'attraper sa main et la serrer dans la sienne.

-"Allons chercher les autres." dit-il et elle hocha la tête, redescendant.

Blaise et Estherial passèrent par les ruines du pont de secours, caché dans les broussailles, et arrivèrent derrière le château, là où les débris s'amoncelaient sur les cadavres.

-"Où est-ce qu'on va ?" demanda alors Estherial pour la première fois d'une voix perdue, et Blaise baissa les yeux vers les siens pour les trouver terne et dénués de sens.

Il grimaça, ne sachant que faire pour réveiller celle qui semblait dormir, cherchant ce qui n'était déjà plus dans des ruines de son enfance.

-"A la Grande Salle, où ils se sont tous rassemblés."

Elle hocha la tête et il avança le premier comme pour la guider dans le château qu'ils ne reconnaissaient plus.

Elle semblait et était, en réalité, ailleurs. Y avait-il encore une chance, pour Draco ? Etait-ce égoiste de sa part d'espérer qu'il s'en sorte malgré tout ce qu'il avait fait ? Harry était mort. Leur élu n'était plus. Avaient-ils encore une chance ?

Elle trébucha sur un débris et se reprit, le regard dans le vague.

Ne ferait-elle pas mieux de simplement abandonner ?

Elle trébucha de nouveau, ne regardant pas où elle allait, et cette fois-ci tomba face contre terre, grimaçant en tentant de se relever. Et alors qu'elle se relevait avec ses mains, quelque chose frôla son bras nu. Elle tourna légèrement la tête pour voir ce que c'était, et son sang se glaça dans ses veines lorsqu'elle reconnut le grain de beauté, sur la main qui trainait négligemment sur le sol poussiéreux.

-"Fred." murmura-t-elle en sentant sa voix mourir dans sa gorge.

Elle se releva immédiatement pour se mettre à genoux, n'ayant pas la force de se mettre debout, et mit ses mains sur sa bouche pour enfouir le son de ses sanglots incontrôlés.

Blaise, ne l'ayant pas entendu tomber, était déjà arriver dans la Grande Salle et cherchait désespérément ses amis du regard.

-"Zabini !"

Il se tourna vers le fond de la pièce et aperçut Astoria qui s'était levée pour lui faire de grands gestes. Il accourut, le sourire aux lèvres. Astoria était la grande sœur de Daphné et si elle était là, ça signifiait que Daphné y était également. Et si Daphné était la, alors Pansy n"était jamais bien loin.

-"Astoria." il arriva, essoufflé, et son sourire s'effaça lorsqu'il la vit assise près d'un linceul blanc.

La jeune femme détourna le regard, les lèvres tremblantes, et le garçon baissa le regard sur le petit papier accroché au linceul, dont la première lettre inscrite était D. Il se mordit la langue, sentant quelque chose au fond de son cœur qui, lentement, sombrait dans le néant de son âme. Il s'accroupit et posa sa main sur le tissu, sentant une forme sous sa main, sans doute sa jambe. Et il la serra, fort d'abord, comme pour rester ancré à la réalité. Puis plus doucement, comme acceptant le sort qui lui avait été réservé.  

Estherial ne l'accepta pas, ce sort.

Parce que trop de fois déjà elle avait du l'accepter et que cette fois-ci elle avait une terrible envie d'être égocentrique et de ne pas l'accepter. Elle avait sorti sa baguette et avait prononcé un sortilège apprit en première année à Poudlard qu'Hermione aurait certainement mieux prononcé. L'énorme pierre tombée du mur se leva, lentement, et vint s'écraser sur un autre pan de mur qui s'effondra à son tour, las.

Estherial détourna le regard un instant, un hoquet de frayeur s'échappant de ses lèvres gercées. Puis, reprenant ses esprits, elle tenta de rester concentrée sur Fred pour ne pas que son regard dérive sur le corps inerte près de lui qui, hélas, n'avait pas survécu.

Elle s'accroupit et prit son pouls avant de reprendre sa baguette et de murmurer des sorts qui lui passaient pas la tête, peu importait à quoi il servait et pour quel type de blessures, elle les essayaient tous en espérant que l'un marche. Elle ne pouvait pas le perdre. Pas lui. Pas après tout ceux qu'elle avait déjà perdu. Il avait beau avoir été détestable durant ces dernières années, avoir préféré une autre fille plutôt qu'elle, avoir sali la mémoire de son cousin plusieurs fois sans le vouloir, avoir rejeté la jeune femme qui avait tant eu besoin de lui, avoir tenté de se réconcilier avec elle en se ridiculisant, s'être éloigné au possible et l'avoir blâmé ensuite, il restait celui qu'elle avait un jour tant aimé et qui l'avait aidé autant qu'il l'avait aimé. Il restait celui qu'elle avait connu depuis sa plus tendre enfance jusqu'à ce jour et qui avait été là lorsque personne d'autre n'avait été, qui était venu pour son père, qui connaissait ses plus grandes peurs et ses plus grandes joies. Et ils avaient beau avoir choisi différents chemins, il restait le garçon qu'elle avait toujours aimé et qui avait toujours une place dans son cœur.

-"Je t'en prie." murmura-t-elle en sentant ses larmes rouler sur ses joues. "Je t'en prie, Fred."

Elle continua ses sorts, désespérant, et regarda son pouls qui restait tout aussi silencieux.

Il ne se réveillait pas, et peut-être qu'il ne se réveillerait pas, tout court.

Elle abaissa sa baguette, passant sa main dans sa nuque pour le soulever sur ses genoux tremblants, sentant sa peau gelée sur la sienne, et ferma les yeux en tentant de reprendre contenance, essayant de se souvenir de l'hymne aux morts au milieu de ses pensées brouillées de noir.

-"Esther."

Un murmure rauque. Un souvenir, presque, une voix remontant des tréfonds de la terre, effacée par les ages. Avait-ce simplement été réel ?

Elle ouvrit les yeux et croisa la couleur si particulière des siens, entrouverts.

-"Fred." elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas laisser échapper un sanglot et esquissa un sourire faiblard. "Je suis là."