8. Qui est pris qui croyait prendre

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Sanji avait pris en compte la remarque de la navigatrice et il ne cuisinait plus. Bien sûr, il continuait de servir trois repas par jour et leurs encas à ses compagnons d'équipage mais il aurait tout aussi bien pu s'arrêter totalement que Zoro n'aurait pas vu la différence.

Le sabreur secoua la tête et changea de côté l'haltère qu'il tenait à bout de bras sur le pont du Sunny. Il exagérait. La différence aurait été flagrante si l'un d'entre eux se chargeait des repas à la place du blond mais il n'en restait pas moins que Sanji donnait l'impression de ne plus être le même. Un peu plus encore si cela était possible.

Zoro suivit des yeux sa silhouette longiforme alors que le cuisinier sortait de son antre, son plateau à la main. Son regard absent et sa démarche sans entrain témoignaient encore ce matin de la difficulté qu'il avait à se soumettre à la demande de sa princesse adorée. Et pourtant, il s'agissait tout de même de Nami !

L'épéiste avait été sincèrement impressionné par leur amie quatre jours plus tôt. Il avait beau la trouver totalement manipulatrice la plupart du temps, il reconnaissait ses qualités quant à sa fiabilité pour défendre les intérêts de l'équipage et même s'il appréciait peu ses méthodes, il était forcé de reconnaitre que la jeune femme savait manier ses atouts à leur avantage. Alors lorsqu'elle avait pris la parole pour enfin pointer le comportement invraisemblable de leur cuisinier depuis leur départ de Wano, Zoro avait été surpris au même titre que ses camarades.

Nami était la première à profiter des attentions de Sanji. La navigatrice avait en effet su utiliser le blond à son profit dès le premier jour, que ce soit au niveau de la nourriture qu'il préparait selon ses désirs ou les courses qu'il faisait pour tenir son budget au centime près, sans compter le fait qu'il lui passait littéralement tous ses caprices.

Si les femmes en général étaient le point faible du cuisinier, Nami représentait le paroxysme de sa dévotion et Zoro tenait pour absolu que son compagnon d'équipage préférait réellement mourir plutôt que de s'opposer à elle. Et il en avait la preuve une fois de plus aujourd'hui alors qu'il le voyait déposer respectueusement leurs verres aux filles à quelques pas. Pas de collations extravagantes ni de cocktails démesurés ou d'envolées lyriques mais une simple boisson que le sabreur devinait teintée de jus de mandarines et quelques madeleines presque solitaires en comparaison avec les encas démentiels que l'équipage avait pu observer jusque-là.

Sanji se détourna ensuite en direction de Brook, Jinbei et Usopp assis près de la rambarde pour leur tendre sans un mot leurs parts et Zoro ne le quitta pas des yeux, son haltère contractant seulement son bras droit à intervalles réguliers. Personne d'autre que Nami n'aurait pu obtenir un tel résultat et le sabreur s'était secrètement réjoui en comprenant que le blond allait être forcé de se remettre en question. Sans doute un rappel à l'ordre de sa chère navigatrice était-il suffisant pour l'obliger à ouvrir les yeux et se reprendre, avait-il pensé.

Pour autant, rien ne s'était passé comme il l'avait imaginé. En effet, si Sanji leur servait désormais des repas aux quantités et à l'allure raisonnables, il s'était éteint en même temps que ses préparations avaient perdu de leur superbe. Comme si l'empêcher de cuisiner à n'en plus finir l'avait brutalement anéanti.

A cet instant, Zoro vit le cuisinier s'approcher de lui et il attrapa son verre lorsqu'il le lui tendit, le regard du blond déjà attiré vers l'atelier du charpentier où Franky, Luffy et Chopper se trouvaient. Il en ressortit une minute plus tard, sa mission accomplie, et se dirigea immédiatement vers sa cuisine même s'il n'avait probablement rien à y faire. Ce faisant, il passa à nouveau devant le bretteur qui exerçait toujours son bras droit.

"Qu'est-ce qui s'est passé là-bas ?"

Sanji le dépassa sans s'arrêter mais Zoro ne manqua pas la crispation de sa main sur son plateau lorsqu'il arriva à sa hauteur.

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