A l'ombre de nos cœurs

50. Le premier jour du reste de sa vie

Zoro s'éveilla au son des voix des membres de l'équipage au chapeau de paille autour de lui. Installé de tout son long sur la banquette, il entendit également le bruit des couverts à proximité et ouvrit finalement les yeux. Dans la cuisine, ses compagnons s'installaient à table et le sabreur se redressa d'un coup, les sens en alerte. Il venait de prendre conscience que Sanji n'était plus à ses côtés et il ne l'avait pas entendu s'en aller.

Aussitôt cependant, il repéra le blond penché au-dessus de sa poêle derrière le comptoir et ses épaules se détendirent. Il remarqua alors que l'atmosphère était paisible tandis que la voix amusée de Brook s'élevait parmi le rire léger de Robin.

Zoro se passa une main sur le visage, fatigué. La nuit n'avait pas été de tout repos et malgré les apparences, il doutait que le cuisinier soit si tranquille. Les événements de la veille devaient encore être dans sa mémoire, tout comme dans celle de tout l'équipage.

L'épéiste se leva afin de prendre sa place parmi ses amis autour de la table du petit-déjeuner, surveillant du coin de l'œil le blond qui retournait des pancakes. Si Sanji s'était rendormi assez facilement après le départ de leurs compagnons, sa nuit avait été agitée et l'escrimeur avait été réveillé par sa respiration saccadée malgré ses yeux encore clos. A cet instant, le cuisinier était toujours appuyé contre son épaule et Zoro avait pensé qu'il faisait un autre cauchemar. Indécis quant à savoir s'il devait le réveiller ou non, il n'avait finalement pas bougé comme il avait arrêté de remuer. Le bretteur se détendait à nouveau lorsque Sanji avait sursauté avant de rouvrir brutalement les yeux. Il avait porté une main à son cœur et le sabreur avait perçu son rythme infernal dans le silence de la nuit en même temps que lui.

Zoro avait immédiatement identifié le problème. Sanji faisait une crise d'angoisse, probablement massive, et il n'avait pas été tellement étonné. Après le choc que le blond avait subi quelques heures plus tôt et qui l'avait engourdi, sa tête et son corps assimilaient ce qu'il s'était passé et le contrecoup serait probablement terrible.

Le cuisinier était visiblement parvenu à la même conclusion que lui car il s'était relevé pour tenter de reprendre le contrôle de lui-même mais il était déjà trop tard. Sa respiration s'était emballée en quelques secondes et il s'était presque plié en deux, parcouru de violents frissons. Zoro était intervenu au moment où le blond avait commencé à enfouir ses mains dans ses cheveux comme pour se les arracher et il l'avait forcé à s'asseoir sur la banquette face à lui. Il l'avait observé rapidement, notant son regard flou et sa peau glacée malgré ses vêtements. Le sabreur avait alors emprisonné ses mains dans l'une des siennes pour les empêcher de tirer à nouveau sur ses cheveux et il avait attrapé son menton de l'autre pour que le cuisinier soit forcé de le regarder.

Le bretteur s'était souvenu des paroles de Chopper et il avait appelé le blond jusqu'à que son regard distant ne s'accroche enfin au sien. Patiemment mais fermement, il lui avait demandé de se concentrer sur sa voix, lui enjoignant de ralentir le rythme de sa respiration. Sanji avait frôlé l'hyperventilation et Zoro avait craint qu'il ne s'évanouisse comme la fois où il s'était écroulé après avoir tenté de le frapper. L'escrimeur n'avait pas permis au blond de laisser son regard dériver une seconde. Il avait utilisé la pression de sa main autour des siennes puis sur ses épaules pour le ramener vers lui.

Le souffle du cuisinier s'était un peu apaisé après un long moment et Sanji avait alors lentement cligné des yeux, épuisé. Son corps trop raide avait commencé à se détendre et il avait eu du mal à ne pas s'effondrer comme l'angoisse refluait enfin. Finalement, il s'était laissé tombé contre l'escrimeur, à bout de forces, et Zoro n'avait remarqué que bien plus tard qu'il avait continué à effectuer de petits mouvements circulaires dans son dos pour l'apaiser pendant de longues minutes.