27. Tout doucement

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Sanji souffla pour rester concentré puis fixa le reste des ingrédients qu'il avait posés devant lui sur la table de la cuisine. Il s'agissait du premier repas de l'équipage depuis que le Sunny avait repris la mer quelques heures plus tôt et cet acte auparavant anodin relevait d'un nouveau défi aujourd'hui. En effet, lors des six derniers jours, il s'était largement appuyé sur les préparations déjà disponibles sur l'île mais à présent, il n'en avait plus la possibilité.

Au départ, il y avait vu un moyen de garantir des produits frais et savoureux à ses amis, d'autant que tout le monde avait loué la qualité de la nourriture des traiteurs locaux. Cette petite interruption d'apparence quelconque lui avait cependant coûté le reste de sa confiance en ses capacités et maintenant qu'il était à nouveau responsable de la confection d'au moins trois repas par jour, il mesurait combien le chemin qu'il avait à parcourir serait long.

Heureusement, avoir préparé toutes ces brochettes quelques jours plus tôt lui avait démontré qu'il en était toujours capable, même s'il en doutait à chaque instant. Le fait d'être forcé à s'y remettre lui faisait le même effet : l'appréhension et l'indécision teintaient tous ses gestes mais il savait aussi que sans cette obligation, il aurait trouvé un autre moyen de se dérober pour gagner encore un peu de temps.

Sanji jeta un discret coup d'œil en direction du sabreur debout près de la cuisinière et qui étudiait avec méfiance la pâte de piment au basilic qu'il devait ajouter aux morceaux de poulet et aux nouilles que le blond avait déjà cuits. L'exécution du plat avait beau être simple, les condiments n'étaient pas une option pour l'agrémenter et le cuisinier l'avait nommé responsable de la sauce par la force des choses. De son côté, il avait déjà préparé le tataki de thon qu'il servirait en entrée et ne lui restait que les perles de coco qui constitueraient le dessert. Des recettes simples qui ne lui demandaient pas d'innover ni de devoir ajuster ses ingrédients puisqu'il s'était assuré de tous les avoir.

Zoro passait tous les jours en cuisine depuis qu'il l'avait aidé à faire les brochettes. Un accord tacite s'était ainsi installé entre les deux compagnons sans que ni l'un ni l'autre n'en ait jamais parlé et même s'il ne l'avouait pas, Sanji s'en trouvait fortement soulagé. Parfois, la présence du sabreur n'était pas utile et il disparaissait alors au bout de quelques minutes. Cela avait été le cas par exemple lorsque le cuisinier avait utilisé des préparations de l'île pour les ajouter à ses propres accompagnements. Lors de ces repas, il avait généralement cuisiné dans des plats séparés et avait laissé l'équipage créer les mélanges qu'ils souhaitaient directement dans leurs assiettes respectives. D'autres fois par contre, Sanji avait absolument besoin d'un goûteur pour être certain de l'assaisonnement de ses recettes.

Il arrivait aussi qu'il ait tout simplement besoin de savoir Zoro dans la pièce pour le forcer à s'y mettre ou le distraire. Les conversations anodines ou les remarques déconcertantes du sabreur par rapport à la cuisine permettaient à son esprit de ne pas se focaliser sur sa situation et ainsi, de faire baisser sa nervosité. Le cuisinier n'était même pas sûr que son compagnon s'en rende compte mais quoi qu'il en soit, cette collaboration, même si elle demeurait superficielle en termes de compétence, lui était bénéfique.

C'était particulièrement le cas aujourd'hui. En effet, depuis le lever du jour, le cuisinier se sentait fébrile au point que Zoro lui-même avait finalement décidé du menu, lassé de le voir hésiter entre toutes ses possibilités. Sanji avait été dépité par son choix car le plat principal nécessitait de savants mélanges en termes de sauces et de condiments. Néanmoins, Zoro n'en avait pas démordu et le blond avait fini par céder puisqu'il ne savait pas quoi faire d'autre. Le sabreur avait eu un petit sourire satisfait à l'idée de l'avoir emporté mais à présent, il devait le regretter comme il grimaçait franchement après avoir goûté directement la pâte de piment.

A l'ombre de nos cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant