Sanji referma la porte de la cuisine derrière lui avant de s'y adosser doucement. Le déjeuner en ville avec ses compagnons s'était déroulé dans une ambiance détendue et il s'était laissé porter par la bonne humeur générale, un peu à distance malgré lui. En effet, quelques heures seulement venaient de s'écouler depuis qu'il avait repris le contrôle de lui-même et la sensation affreuse qui l'avait accompagné ne s'était pas encore totalement estompée.
A présent de retour dans la sécurité du Sunny, le blond s'autorisa enfin à se repasser entièrement le fil des évènements et il baissa un peu plus la tête tandis qu'il se remémorait l'impuissance totale qu'il avait ressentie un peu plus tôt. Ses amis avaient pour la plupart décidé de prolonger leur temps en ville et seuls Jinbei et Usopp étaient revenus sur la plage pour observer les poissons. Le cuisinier était donc seul sur le bateau et il pouvait déposer le masque d'insouciance qu'il s'était efforcé de porter durant tout le repas. Ses compagnons n'auraient pas manqué de s'inquiéter s'il s'était laissé aller à ses véritables sentiments et heureusement, celui qui aurait pu l'obliger à s'expliquer en faisant part de son comportement au reste de l'équipage était demeuré muet. Sanji lui en était reconnaissant. Il avait d'abord besoin d'assimiler ce qui lui arrivait et il aurait été incapable d'affronter les questions et les airs soucieux des uns et des autres à cet instant.
Le cuisinier ferma les yeux, laissant les heures précédentes envahir sa mémoire. Au moment où ses larmes s'étaient enfin taries, il s'était retrouvé vidé de toutes émotions et avait mis plusieurs secondes à réaliser que Zoro le tenait toujours contre lui. Le regard fixé au sol, il s'était détaché du sabreur avant de s'essuyer rapidement les yeux et de l'avertir qu'il retournait sur le Sunny. L'escrimeur avait simplement hoché la tête en retour et Sanji avait tressailli alors qu'il lui avait emboîté le pas même si finalement, il était logique que l'épéiste le suive. Sans doute Zoro voulait-il également revenir sur le bateau lorsqu'il l'avait croisé ou encore, peut-être s'était-il perdu et cherchait-il son chemin.
Dans tous les cas, le trajet s'était effectué en silence, le seul bruit de leurs pas résonnant entre eux. Arrivé à destination, Sanji s'était immédiatement enfermé dans la salle de bain pour prendre une longue douche et le bretteur s'était installé sur le pont. Ils s'étaient retrouvés quarante minutes plus tard et le blond avait de nouveau guidé son compagnon, cette fois vers l'auberge que Nami avait désignée comme point de ralliement. Aucun mot n'avait été échangé non plus et le silence n'avait été rompu qu'au moment où ils avaient retrouvé leurs amis.
A cet instant dans la forêt, Sanji avait rapidement reconnu les signes qui l'avaient frappé. Ces vertiges inattendus, ses mains moites et sa respiration affolée sans aucune raison apparente ne l'avaient pas trompé longtemps. Il n'avait pas été blessé ni même touché par quoi que ce soit et son corps réagissait parfaitement bien quelques minutes encore auparavant. Il n'y avait eu qu'une seule explication possible et c'était une crise d'angoisse. Il avait fait une crise d'angoisse comme au temps de son enfance lorsqu'il ne comprenait même pas ce qui lui arrivait.
A cette époque, il croyait qu'il avait attrapé un mal incurable et même qu'il allait mourir sous la force de ses symptômes et puis, il avait appris la signification de ces attaques et il était parvenu à les maîtriser. Cela faisait des années maintenant qu'il était tranquille et cette réapparition soudaine était le signe clair qu'il se réenfonçait lentement dans les méandres torturés de son passé.
Sanji soupira. Même si Zeff n'avait jamais demandé la raison pour laquelle il pouvait littéralement se rendre malade, le vieux cuisinier avait saisi qu'elles avaient un lien avec ce qu'il avait vécu avant de le rencontrer. Et pour cause, le petit Sanji portait sur lui les traces d'une enfance tourmentée lorsqu'il s'arrachait les cheveux sous le coup de la colère face à un problème qu'il ne parvenait pas à résoudre ou lorsqu'il le retrouvait terré dans un coin de la cuisine au petit matin, épuisé mais les yeux grands ouverts, cherchant désespérément à comprendre des recettes qui n'avaient subitement plus aucun sens. Un enfant qui pouvait se mettre à hurler au beau milieu de la nuit en appelant sa mère et qui sanglotait ensuite durant des heures, comme en proie à des coups invisibles. Un enfant qui trouvait difficilement le sommeil et qui se mettait à trembler des pieds à la tête sans prévenir avant que sa respiration trop rapide ne le pousse au bord du malaise. Un enfant constamment sur ses gardes qui se retranchait derrière son agressivité mais dont la profonde humanité le poussait d'abord à faire sourire les autres afin de pouvoir s'ouvrir à son tour.
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A l'ombre de nos cœurs
FanfictionL'équipage du chapeau de paille enfin réuni a repris la mer après ses aventures au pays des samurais. Pourtant, les blessures du passé sont encore vives et leur emprise sur le cuisinier du Thousand Sunny n'a jamais été aussi forte. Tandis que certai...