Paris, mois de juin
Liberté
Le regard de Renard était braqué sur moi. Je ne savais pas vraiment ce qu'il pensait, son visage était impénétrable. Mais dans ses yeux... Dans ses yeux, c'était... Le chaos. Si ses traits n'avaient pas bougé, on voyait dans son regards son choc, sa stupéfaction, sa surprise... Son incrédulité. Me croyait-il seulement ? Ses yeux aux multiples teintes ne me quittaient plus, et je m'efforçai de retenir mes larmes.
Voilà. Je ne l'avais jamais dit à personne auparavant. Je me souvenais encore du bruit atroce des os craquants sous les sabots du cheval auquel je m'accrochai désespérément, je me souvenais du sang, des cris des autres... Et de la vitesse du cheval. Maman était arrivée trente minutes plus tard, quand nous avions envoyés un des enfants chercher un adulte. Nous étions restés durant trente minutes... Avec le cadavre mutilé d'un de nos amis dans les bras.
Maman était arrivée en panique... Et avait porté elle-même le cadavre jusqu'à la maison de sa famille. Cette image ne quitterait jamais mon esprit. Maman, la tenue souillée de rouge et de gris, le cadavre dans les mains, les yeux au ciel et murmurant de douces prières pour accompagner l'âme du défunt jusqu'au purgatoire. Durant plusieurs mois, je n'avais plus put entendre un feu crépiter... Personne n'avait jamais remarqué que cela avait le même son que des os qui craquent sous les sabots...
Charlotte de Bourayne se racla la gorge, et nos regards se tournèrent de nouveau vers elle. Elle semblait... satisfaite.
- A votre tour, gronda Winter en la fusillant du regard. Vous savez ce que cela nous a coûté, alors maintenant, dîtes-nous ce que vous savez.
Je tentais de ne pas vraiment réfléchir à ce que je venais de faire. A cette partie de moi que je venais de livrer, d'offrir à une parfaite inconnue pour protéger une autre femme. Pour l'instant, je devais juste mon concentrer sur l'air satisfait de Charlotte, et sur le parchemin soigneusement roulé qu'elle venait de sortir des pans de sa robe.
- Il faut avouer, chers petits, que vous m'avez pris de vitesse, concéda-t-elle en remuant lentement le parchemin devant nous. Je n'ai pu faire qu'une seule présélection des personnes capables d'avoir fait ce pamphlet. Et croyez-moi ; je veux absolument découvrir de qui il s'agit. Alors je vais passer un pacte avec vous : si vous me mettez au courant des avancées de votre enquête, je vous parlerais de ce que j'aurais découvert de mon côté. Cela vous convient-il ?
- Oui, répondit derechef Renard sans même me consulter.
J'étais plus dubitative. Comment savoir si la veuve Bourayne tiendrait parole ? Aux mots du fils de Milady de Winter, Charlotte me tendis le parchemin que j'attrapai rapidement avant qu'elle ne change d'avis.
- Ne craignez rien, Liberté, me souffla-t-elle avec un air carnassier. Votre secret est parfaitement en sécurité avec moi... Jusqu'à ce qu'il me soit profitable, bien entendu.
Je déglutis difficilement en le regardant dans les yeux. Traduction : « Ne vous avisez pas de me déplaire ou pire, de vous opposer à moi. ».
- Bien entendu, réussis-je tout de même à dire avec une pointe d'ironie dans ma voix.
Et alors que Winter et moi nous levions pour prendre congé, on se mit à tambouriner contre la porte, et une voix bien connue s'éleva dans le couloir. Aboya, plutôt.
- Charlotte ! Gronda la voix puissante de ma mère à travers la porte.
- Maman, couinai-je. Elle m'avait dit de rester auprès du roi !
- Moi aussi, je vous l'avais dit, me glissa Renard en cherchant aussitôt une autre issue du regard.
Charlotte se leva et se dirigea tranquillement vers un pan d'un mur, qu'elle poussa pour dévoiler un passage secret.
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L'héritage de l'Espionne - Livre III
FanfictionLa rumeur enfle. Elle arrive, elle arrive, murmurent les courtisans et les serviteurs. Mais de qui parlent-ils ? De la veuve Tréville, la veuve Tréville, ce nom est sur toutes les lèvres. Céleste de Tréville, la richissime veuve de l'ancien régent e...