⚜ Chapitre 66 : Des amis ⚜

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Versailles, mois de juillet

Liberté

Je rentrai lentement vers le pavillon de chasse, un gros bouquet de fleurs sauvages dans les bras. Je les couvais d'un regard presque maternel ; il y avait des bleuets, quelques coquelicots, des mauves, des boutons d'or, de la fumeterre et quelques tiges de chicorée sauvage, l'ensemble créant un bouquet dans les teintes bleues, roses, violettes et jaunes. Je pourrais en mettre dans chaque vase du pavillon, me dis-je en rentrant dans la cour.

De toute façon, je n'avais rien d'autre à faire ; ils étaient tous repartis sans moi. Pour ce deuxième jour de chasse, Louis et Philippe avaient formellement interdit que je revienne. Donc même si à présent tout le monde avait eu vent de mon « exploit », j'étais confinée jusqu'à nouvel ordre au pavillon. Je m'occupais comme je pouvais. J'avais promené Siete autour des douves vides. J'étais allée manger et lire à l'ombre des chênes de la lisière des bois. Et maintenant, j'allais redécorer le pavillon. Je ne devais pas rester un seul instant inoccupée... Parce que je risquais de penser au baiser de la veille.

Baiser qui ne voulait absolument rien dire, soit dit en passant. Nous nous étions juste embrassés. Nous ne nous étions permis qu'un seul, sublime, dernier baiser. Pour effacer tout ce qui s'était passé. Pour repartir à zéro. C'était... Comme un adieu. Un refus de recommencer.

J'entrai dans le pavillon, et remarquai aussitôt ma première cible : un vase vide au centre de l'escalier central. Je m'y dirigeai, et l'inspectais ; pas d'eau. Je grognai, mais c'était prévisible. Alors je posai précautionneusement mes fleurs à côté du pilier du vase, et sorti pour aller puiser l'eau. Je ne savais pas exactement comment j'allais m'organiser, mais cela m'occuperait. Je tirai l'eau du puis, et la mise dans un seau que je ramenais rapidement au pavillon. Je pris le vase et le descendis de son pied d'estale, avant d'y mettre quelques fleurs roses et violettes et d'y mettre l'eau. Un peu de liquide tomba sur ma robe, me faisant pester. Il m'aurait fallu quelqu'un pour porter un seau d'eau à mes côtés, mais les serviteurs se reposaient, et il n'y avait personne d'autre au pavillon.

- Besoin d'aide ? Résonna soudain une voix amusée.

Personne d'autre au pavillon... A part Renard, que Louis avait dépêché à ma surveillance. Je levai un regard prudent vers lui ; appuyé à la rambarde du premier étage, il me regardait faire. Depuis combien de temps était-il là ? Assez, apparemment, pour m'avoir piqué un coquelicot qu'il faisait délicatement tourner entre ses doigts. Nos regards se croisèrent. Et lentement, les quelques pétales de la fleur se détachèrent du centre pour tomber vers moi en une douce danse féerique. Je levai la main, m'en saisit d'un ; les autres touchèrent le sol, et Renard les regarda avec un petit air triste et déçu. Avant de se redresser et de descendre les escaliers. Je me détournai pour récupérer le vase et le poser à sa place avant d'arranger les fleurs pour qu'elles soient le plus accueillantes possibles.

- Je ne vous ai pas vu de la journée, fis-je pour rompre le silence entre nous.

- Quoi qu'en pense notre roi, je ne suis pas une nounou, grogna Renard en se penchant pour ramasser le bouquet.

- Vraiment ? Le raillai-je en faisant pivoter une mauve. Posez ça.

- Nous sommes dans un pavillon de chasse, soupira-t-il sans m'obéir. Vous allez vraiment le fleurir ?

- Bien sûr, assurai-je en reculant d'un pas. Ce n'était pas mon but premier ; j'étais venue ici pour chasser. Alors décorer de la manière la plus féminine possible ce pavillon, c'est ma vengeance personnelle.

Satisfaite de ce premier bouquet, je me tournai vers le meurtrier et me penchai pour récupérer les fleurs. Il résista. Je le regardai, et haussait un sourcil hautain.

L'héritage de l'Espionne - Livre IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant