⚜ Chapitre 98 : L'île des Faisans ⚜

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Île des Faisans, mois de septembre

Liberté

Je ne savais pas exactement ce à quoi je m'attendais. Mais le fait était là : l'Île des Faisans était... Très petite. Un bâtiment s'y élevait, élégant et apprêté... Juste assez faste et grand pour servir de lieu d'échange de princesses, comme quarante-cinq ans plus tôt, lorsqu'Anne d'Autriche avait pris le trône français et Christine de France le trône espagnol.

Nous avions laissé nos bagages à Lohobiague Enea, une grande demeure dans le petit village de St-Jean-de-Luz, où nous logeront, et nous étions attendus sur l'île même pour une petite réception nous permettant de rencontrer notre future reine. Nous nous étions arrêtés devant le pont, et étions prêt à les traverser à pied avant d'entrer dans le bâtiment.

- Qu'est-ce que cela vous fait, de revenir ici ? Soufflai-je à Anne lorsqu'Aramis m'aida à descendre du carrosse où Philippe m'avait fait entrer de force.

Elle posa son regard vers moi avant de se tourner vers l'île.

- Je ne sais pas si je dois être heureuse ou triste... Mélancolique ou enragée, souffla-t-elle. Un peu tout à la fois, je suppose.

Elle posa doucement sa main sur mon épaule, geste que personne ne rata.

- Je compte sur vous, Liberté de Tréville, me glissa-t-elle. Aidez à accueillir ma nièce. Je ne veux pas que son histoire à la cour de France soit semblable à la mienne.

- Nous ferons tous tout pour cela, Votre Majesté, assurai-je avec une légère révérence. Soyez-en assurée.

Elle me sourit tendrement avant de me lâcher, et de prendre le bras que lui présentait Aramis.

- Louis, très cher, allons-y, dit-elle à son fils aîné.

Philippe les suivit, et me rejoignirent Carsel et Livigne. Rivoire nous dépassa avec les pères de mes amis, et nous leurs emboîtâmes le pas. Aujourd'hui, tout serait dicté selon l'étiquette. Je représentais le duché de Ligueux ainsi que ma mère. Je me devais d'être à la hauteur.

L'Espagne était déjà là. Je jetai un regard à Livigne ; il dût sentir ma nervosité, car il attrapa ma main, et la serra dans la sienne. Carsel me jeta un regard qui se voulait apaisant, et je lui souris doucement. Lentement, nous traversâmes le pont, une grande partie de la noblesse française derrière nous. Nous passâmes une arche et entrâmes dans la cour du bâtiment. Un tapis rouge indiquait précisément où devaient se rendre la famille royale de France et sa suite.

Je ne vis presque rien du chemin que nous empruntâmes, trop concentrée à réguler mes pas, à contrôler mes gestes. Livigne avait dû lâcher ma main. Où était Renard ? Probablement avec Milady et le chef des gardes qui nous escortaient. Nous étions arrivés dans une grande salle où nous attendaient le roi d'Espagne, sa cour... Et sa fille. Cachée derrière Rivoire, je ne la vis pas tout de suite.

Les formules de politesses commencèrent ; je ne les écoutai pas, trop occupée à chercher un regard familier dans la horde d'espagnols. Et je le trouvai. Je ne l'avais pas vu depuis plus d'un mois, mais je me souvenais de lui. Comment l'oublier ? Il s'était énormément rapproché de Maman. Elle tenait à lui. Et vu comment il parcourait la cour de France du regard, il s'attendait à la voir parmi nous. Ce fut pourtant mon regard qu'il croisa en premier, et je secouai doucement la tête. Un furtif air déçu se peignit sur les traits du général Miguel Alvarez de Rivera quand il comprit que ma mère n'était pas là. Il ne manqua pourtant pas de me saluer d'un signe de tête avant de se concentrer sur la rencontre devant nous.

Enfin, le roi d'Espagne invita Anne d'Autriche, Aramis et Louis à le suivre jusqu'à la table du banquet. Seigneur, on ne faisait que manger dernièrement ! Mais si c'était de la cuisine espagnole, je ne disais pas non.

L'héritage de l'Espionne - Livre IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant