Paris, mois de juin
Renard
La liste était encore chaude d'avoir été gardée dans la poitrine de Liberté de Tréville. Renard de Winter s'empressa de chasser cette idée de son esprit, mais elle restait omniprésente alors qu'il la déroulait. La jeune fille à ses côtés l'observait de ses grands yeux dont la couleur n'était pas sans lui rappeler la transparence des opales que Milady plaisait à accrocher dans ses cheveux. Il avait l'impression que plus le temps passait, plus Tréville devenait... intéressante. Oui, c'était le bon mot. Elle devenait digne d'intérêt, mais seulement pour son caractère bravache qui s'affranchissait de sa pudeur, et certainement pas pour ses lèvres charnues, ses boucles blondes qu'il avait lui-même coupé ni ses yeux tantôt plein de douceur, tantôt tourbillonnant de rage.
Contrairement à ce que la jeune noble aurait pu penser, Winter ne l'avait pas espionné. Il était tombé sur Julien et elle au hasard, alors qu'il allait rentrer au palais-Royal où sa mère et lui avaient leurs quartiers. Ils les avaient vu s'engager dans les appartements réservés à la duchesse et sa fille, et le fils d'Athos n'était pas ressortit. Et puis... Bon, peut-être était-il venu au palais sans raison particulière ce matin là, et assez tôt pour voir le métis s'enfuir dans l'aube grise. Et peut-être l'idée de le détrousser anonymement avait surgit dans son esprit. Et... Peut-être qu'il avait bel et bien remarqué que la jeune Tréville semblait différente. Ce n'étais pas évident ; un pas plus dansant que d'habitude, un regard plus doux, un rire plus facile. Bien sur, c'était avant qu'elle prenne connaissance du pamphlet.
Non, pour conclure, Renard n'avait espionné personne. C'était le rôle de sa mère, ça. Lui, il s'était juste contenté de... laisser traîner un œil. S'informer sans entrer dans les détails. Ce n'était pas de l'espionnage, n'est-ce pas ?
- Bon, vous l'ouvrez ou quoi ? Siffla la jeune fille à ses côtés.
- Que d'impatience, se moqua le meurtrier en déroulant le papier.
Dessus, une dizaine de noms. Et Charlotte disait ne pas avoir eu le temps de faire une sélection approfondie... Parmi les noms, principalement ceux de dames de la cour raffolant de ragot, Renard y trouva avec surprise celui d'une des informatrices de sa mère : Mme Robin, la doyenne des cuisinières du palais, au courant d'absolument tous les racontars des servantes. Si Renard devait allez interroger une première personne, ce sera elle.
- Très bien, je sais quoi faire ensuite, fit-il.
- Quoi donc ? Demanda la future duchesse.
Renard baissa son regard vers elle. Il avait souvent tendance à oublier qu'elle avait seulement deux ans de moins que lui. Peut-être à cause de la petite taille de Tréville. Ou bien du fait que Renard prenait tout le monde de haut, et finissait par se sentir plus âgé que la plupart des stupides courtisans du palais. Mais Liberté n'était ni stupide, ni une courtisane.
- Vous ramenez au prince, tout d'abord, répondit néanmoins le meurtrier.
- Mauvaise réponse, rétorqua Tréville.
Renard ne put retenir un petit gloussement en se dirigeant vers la sortie de la bibliothèque, Tréville sur les talons.
- Bien, vous commencez à avoir de la répartie... fit-il.
- Et vous à ne plus savoir quoi me répondre, maugréa-t-elle, et le meurtrier sentit son sourire dans sa voix.
Et ce fut seulement à ce moment que Renard se rendit compte qu'il souriait lui aussi. Il arrêta aussitôt, et ouvrit la porte de la bibliothèque pour sortir. Liberté la referma avec délicatesse derrière elle. Sans qu'il ne sache pourquoi, ce geste agaça Renard. Elle n'aurait pas pu la laisser ouverte, ou la fermer avec moins de douceur ? Apparemment non, il fallait toujours que ses gestes soient empreints de grâce, même pour fermer une porte.
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L'héritage de l'Espionne - Livre III
FanfictionLa rumeur enfle. Elle arrive, elle arrive, murmurent les courtisans et les serviteurs. Mais de qui parlent-ils ? De la veuve Tréville, la veuve Tréville, ce nom est sur toutes les lèvres. Céleste de Tréville, la richissime veuve de l'ancien régent e...