⚜ Chapitre 60 : L'Espionne du Cardinal ⚜

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Paris, mois de juillet

Liberté

Ce furent les rayons du soleil qui me réveillèrent. J'ouvris paresseusement les yeux dans mes draps propres. Je les avais faits changer deux jours plus tôt, n'y supportant pas l'odeur de Renard qui y persistait. Je me redressais ; je n'avais presque plus mal à la tête. Par contre j'avais toujours cette boule au ventre qui me revenait à chaque fois que je pensais à ce qui s'était passé la veille, avec Julien. Et aux paroles qu'il avait prononcées. « Je veux t'aimer. Je t'aime. » C'était une grande déclaration d'amour, celle que l'héroïne attendait toujours. Alors pourquoi, pourquoi quand cela m'était arrivé... Je m'étais refusée à lui répéter ses paroles, et à me jeter dans ses bras ? C'était ce qu'aurait fait les héroïnes de Mathilde. C'était ce que j'aurais dû faire. Mais... Je n'en avais pas été capable.

En sortant du lit, je glissai un regard à la malle posée à côté de la table. Il y avait à l'intérieur plusieurs tenues, allant d'une simple robe de bal à plusieurs élégantes tenues de chasse, en passant bien sûr par mon pantalon, ma chemise et mon corset de travail. Je n'aurais probablement jamais le luxe de porter toutes ces tenues, mais il valait mieux prévenir que guérir, n'est-ce pas ?

Nous partions aujourd'hui. Philippe, son royal frère, trente jeunes membres de sa cour, et moi. Moi, la fille de Tréville, la future duchesse de Ligueux. Et seule femme titrée du voyage. Louis m'avait promis une bonne qui me suivrait jusqu'à Versailles, car sinon j'aurais vraiment été la seule femme, nobles et serviteurs confondus.

On toqua à la porte. Et Maman entra, l'air mitigée. Elle s'était inquiétée, la veille, lorsque j'avais dû sortir de l'église. Elle craignait une maladie, ou ne serait-ce qu'une indisposition. J'avais rapidement inventé que je ne me sentais pas très bien mais que ça s'était arrangé, pourtant Maman m'avait clairement dit qu'elle était inquiète pour le séjour.

- Tu as bien toutes tes affaires ? demanda-t-elle en jetant un œil à ma malle.

- Il faudra juste rajouter mon épée et ma cape, la rassurais-je en m'asseyant à ma toilette. Ainsi que ma brosse à cheveux. J'aurais mon poignard sur moi.

Elle acquiesça distraitement et alla chercher mon épée, posée non loin. Pendant ce temps, je me brossais les cheveux ; ils arrivaient à présent aux épaules. Encore quelques mois et je pourrais de nouveau les considérer comme longs... Bien que je ne sache combien de temps il faudra pour qu'ils retrouvent leur longueur d'antan, au bas de mon dos. Je me fis un rapide chignon bas, et me dirigeai vers la seule tenue de cavalière qui n'étais pas dans ma valise. Maman revint, en tenant mon épée et en la regardant d'un air rêveur.

- Parle-moi de lui, lançais-je soudain, sans l'avoir prémédité.

Elle leva son regard vers moi, surprise. Puis eut un doux sourire avant de s'asseoir sur un coin de mon lit, sans lâcher l'épée.

- Que veux-tu savoir ? demanda-t-elle tendrement.

Je vins m'asseoir à ses côtés, et n'eus pas à réfléchir longtemps.

- De petits détails sur lui, songeai-je. Des choses que seule sa femme a su... Et sa fille aurait su. Des anecdotes sur la personne qu'il était. Son caractère. Ses passions. Ses rêves.

Je soupirai doucement.

- Dis-moi des choses que l'on ne sait de lui que parce qu'on l'a côtoyé et aimé, la priai-je finalement.

Maman sourit. Et lorsqu'elle reprit parole, sa voix était aussi douce que du velours.

- Sa couleur préférée était le bleu, se souvint-elle. Mais pas le bleu clair, pastel ou azur. Non, il aimait le bleu nuit, le bleu saphir, le bleu tellement sombre qu'il en avait des reflets violets.

L'héritage de l'Espionne - Livre IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant