⚜ Chapitre 97 : Tout changeait ⚜

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En route vers l'Espagne, mois de septembre

Liberté

- Tu sais ce que j'ai remarqué ? M'enquis-je auprès de Renard.

- Je t'en prie, dis-moi tout, s'amusa-t-il.

Je caressai doucement l'encolure de Siete, qui marchait tranquillement aux côtés du cheval noir de mon amant.

- Je suis venue à Paris il y a cinq mois de cela, et depuis, je n'ai pas réussi à y rester plus d'un mois, gloussai-je. Il y a eu l'excursion vers le nord, puis Versailles, et la Savoie, et maintenant...

- Et maintenant nous nous dirigeons vers la frontière espagnole ? S'esclaffa Renard. Oui, c'est vrai...

- Tu oublies les presque deux mois de corvée que tu as dû faire à la garnison, nous rappela Philippe en ralentissant pour arriver à notre niveau.

- C'est vrai, acquiesçai-je. Quand même, cela fait beaucoup d'excursions...

- Les voyages forment la jeunesse, plaisanta Livigne, non loin.

Nous étions de nouveau tous réunis, sur des chevaux, en direction d'un territoire différent. Tout semblait à chaque fois se répéter... Et si cela nous permettait de revivre les moments de bonheurs, nous n'en étions pas mécontents.

Pourtant, nous voyions bien que certaines choses avaient changées. Marie Mancini n'était plus là. Louis chevauchait en tête, avec Carsel. Les jumelles étaient restées à Paris. Il ne restait plus que Livigne, Rivoire, Philippe et moi. Renard et Marcus –que je soupçonnais être le contact de ses sœurs pour la semaine de Versailles– chevauchaient avec nous également. Les choses avaient changé, et changeraient encore. Pourtant, je savais que nous faisions tout notre possible pour retenir auprès de nous ces instants de bonheur.

⚜⚜⚜

Assise dans la grande salle du château de Bayonne, je sirotai doucement un verre de vin. J'étais presque seule ; tout le monde était allé se coucher. Car demain... Demain nous arriverions à l'Île des faisans, où se déroulerait le mariage, dans quelques jours. Après deux nouvelles semaines de voyage... Nous étions proches du but.

Nous n'avions pas fait d'arrêt à Ligueux, étant passés par Bordeaux. Et Maman n'était pas passé nous dire bonjour, occupée par les vendanges. Elle me manquait un peu. J'espérai de tout cœur que tout se passait bien au duché. Quelqu'un tira une chaise, et s'assit à côté de moi, m'arrachant à mes pensées. Je ne lui jetai qu'un regard rapide ; Livigne.

- Vous broyez du noir ? S'enquit-il en se servant un verre à son tour.

Je parcourus la pièce du regard. Un joueur de luth un peu éméché grattait encore ses cordes. Quelques nobles parlaient lentement, prêts à s'endormir. De nos amis, plus une trace ; tous étaient allés se reposer pour le grand jour.

- Je... Je ne sais pas, soufflai-je. J'ai l'impression... Que demain, tout sera différent.

Livigne sourit doucement en portant son verre à ses lèvres.

- Tout a déjà changé, Libby, soupira-t-il. Depuis le voyage en Savoie... Tout a changé.

Je souris à mon tour, presque tristement.

- Ces prochains jours annonceront une nouvelle ère, soufflai-je.

Mon ami acquiesça.

- Une ère où nous ne servirons plus le futur roi de France... Mais bel et bien le monarque absolu, me glissa-t-il.

Je lui jetai un regard. Je... N'en étais même pas surprise.

- Louis prévoit de limiter les pouvoirs de sa mère et d'Aramis ? Demandai-je sur le même ton.

L'héritage de l'Espionne - Livre IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant