⚜ Chapitre 78 : Dernière chance ⚜

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Paris, mois d'août

Céleste

La nouvelle avait été officialisée cinq jours plus tôt, peu de temps après la parution de la nouvelle chronique. Dans deux jours, ils partiront en Savoie. Et demain, la délégation espagnole repartira en direction de son pays, avec ses gardes, ses propositions, son ambassadeur... Et Miguel.

Céleste ne savait pas quoi penser. Elle ne savait même pas quoi ressentir. Miguel allait partir. Demain. Et peut-être qu'il ne reviendra plus jamais, si l'Espagne se refusait de céder au chantage d'Anne et d'Aramis. La demande du ministre lui revint aussitôt en mémoire. « Nous avons besoin de toi. Alvarez à l'oreille de son roi. Et on m'a dit que tu avais la sienne. Encourage-le à plaider la cause de l'alliance franco-espagnole. Nos deux pays en ont besoin. »

Cela avait paru très clair à Céleste. Elle n'avait jamais cessé d'être l'espionne de la reine-mère. Son agent, son pion, bien qu'elle ait beaucoup plus de liberté que lorsqu'elle travaillait pour Richelieu, vingt-cinq ans plus tôt. Mais les faits étaient là ; Anne avait besoin d'elle, de ses contacts. Et du peu d'influence que Céleste avait sur le général espagnol.

Durant ces cinq jours, Céleste avait au mieux évité Miguel. Elle voulait du temps pour réfléchir. Elle était loyale envers Anne, cela était sûr. Mais... L'idée de vouloir profiter de son lien avec Miguel la dérangeait.

Et puis la duchesse avait réfléchis. Que voulait-elle vraiment, pour elle ? Elle avait avancé plusieurs idées : une vie calme à Ligueux. Servir loyalement sa reine. Voir sa fille heureuse. Mais finalement, Céleste s'était rendue compte d'une chose : elle voulait être embrassée. Et par Miguel. Elle voulait un autre baiser. Et encore un autre. Elle voulait le général tout entier, de ses yeux doux à ses bras forts. Elle voulait son sourire éclatant et ses mains solides. Elle le voulait, lui. Et... elle en était confuse.

Elle avait déjà aimé, et de manière passionnée. De manière unique. Elle le savait, jamais elle ne pourrait aimer un homme comme elle avait aimé Jean. Elle s'était toujours dit qu'elle n'en avait pas besoin, de toute façon. Pourquoi chercher de nouveau l'amour quand elle l'avait déjà perdu ? Elle était satisfaite de son sort. Mais tout avait changé quand elle avait commencé à connaître Miguel.

Céleste avait longuement réfléchi. Et elle était certaine que ce n'était pas un coup de foudre qu'il y avait eu entre eux. D'abord une certaine complicité. Puis de l'affection taquine. Une solide amitié. Et l'affection s'était développée... Elle s'était mise à mieux se préparer avant de le voir. A songer plus souvent à lui. À observer de petits détails qui restaient gravés dans son esprit, comme les veines sur ses bras, ou le mouvement de sa pomme d'Adam lorsqu'il parlait. Et doucement, presque timidement, l'affection avait grandis. Jusqu'à devenir sans que personne ne s'en rende compte, un sentiment plus fort.

Était-ce de l'amour ? Céleste savait que cela s'en rapprochait. Cela s'en rapprochait de jour en jour. C'était des sentiments forts, très forts, qu'elle éprouvait pour Miguel Alvarez de Rivera. Elle ne s'était doutée de rien, jusqu'à ce qu'ils soient là. Et maintenant... Maintenant, Céleste en avait assez d'attendre. Et de douter.

Elle avait attendu de trouver l'amour durant toutes ses premières années. Elle avait douté durant ces six mois passés sous les traits de Colombe de Vertus. Elle avait attendu encore six ans, seule et exilée. Elle avait douté durant ces semaines où Jean ne voulait plus entendre parler d'elle. Puis, enfin... Elle avait aimé, et avait été aimé en retour. Combien de temps ? Trop peu. Quelques petits mois. Les mois les plus beaux et les plus terrifiants de sa vie. Et ensuite, encore dix-sept ans. Dix-sept ans d'attente. Une attente plus sereine, certes ; elle avait Ligueux, elle avait Libby. Mais une attente, tout de même.

L'héritage de l'Espionne - Livre IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant