Paris, mois d'août
Liberté
J'avais l'impression qu'il ne s'était rien passé. Les nobles flânaient. Le soleil brillait. Les conversations allaient de bon train, sur la chaleur, sur l'Espagne, sur la chronique. Et moi, dont le monde semblait s'être écroulé, je cherchais Renard de Winter. Où était-il ? Pas dans les bibliothèques. Pas dans les couloirs. Pas dans les jardins. Je ne savais plus où chercher. Était-il encore dans le Louvre ? Peut-être pas.
Lasse, je me dis que je pouvais bien jeter un coup d'œil dans la salle de bal avant d'abandonner. Vêtue d'une nouvelle robe bleu clair, je poussai discrètement la grande porte, glissai un regard à l'intérieur. Il était là. Allongé au milieu de la pièce vide, son regard levé vers le plafond. Je refermai la porte en entrant, et m'avançai vers lui. Il avait une bouteille à moitié vide à ses côtés.
Les grandes fenêtres laissaient entrer la lumière du jour, mais nous semblions coupés du bruit dans cet endroit féerique où je n'avais encore jamais fait de bal. J'arrivai à ses côtés ; il ne me regarda pas. Je ne me gênai pas ; il semblait... épuisé. Sur sa mâchoire, l'hématome dû au coup de Julien avait grossi. Son profil était des plus beaux. Je n'avais jamais remarqué cette petite bosse sur son nez...
Je pris la bouteille et m'assis à ses côtés. Je portai le goulot à mes lèves, et pris une gorgée. Une gorgée seulement. Enfin, je m'allongeai à côté de lui, et regardai là où se posait ses yeux. Le plafond était orné de dorures créant des plantes, des motifs étranges, parfois comme des vagues d'or...
- Ce n'est pas la meilleure cachette, non ? Souffla Renard.
- Je vous ai quand même cherché pendant près d'une heure, lui appris-je.
- La prochaine fois, j'irai sur les toits.
- Je peux partir.
- Restez, je vous en prie.
Il y eut un petit silence.
- Comment allez-vous ? Demandai-je.
- Un peu mal à la mâchoire.
- Vous n'auriez jamais dû intervenir.
- Il est censé être un gentilhomme. Les gentilhommes ne menacent ni n'insultent les femmes. Je ne l'aurais pas toléré.
- Je sais.
Encore un silence, et je suivis des yeux une dorure s'enroulant au centre d'une fleur.
- Il faut que vous me disiez ce que vous a dit votre mère, finis-je par dire.
- Oui.
- Alors ?
Il s'agita à mes côtés. Je lui jetai un regard ; il me regardait déjà.
- Elle ne cautionne pas notre relation, souffla-t-il. Elle pense que ce à quoi nous jouons est dangereux, en plus d'être stupide.
- Elle n'a pas tort, nous l'avons toujours su.
- Vous avez parlé à votre mère ?
- Non.
- Alors elle ne sait rien ?
- Non.
- C'est le mieux.
- Oui.
- Qu'allons-nous faire ?
Nous nous perdîmes dans les yeux l'un de l'autre, et dans cette question. Qu'allions-nous faire ? Nous ne le savions pas. Ou plutôt, si, nous le savions. Nous savions très bien ce que nous devions faire. Ce que nous aurions dû faire depuis bien longtemps.
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L'héritage de l'Espionne - Livre III
FanfictionLa rumeur enfle. Elle arrive, elle arrive, murmurent les courtisans et les serviteurs. Mais de qui parlent-ils ? De la veuve Tréville, la veuve Tréville, ce nom est sur toutes les lèvres. Céleste de Tréville, la richissime veuve de l'ancien régent e...