Versailles, mois de juillet
Liberté
Je trottinais dans les grands couloirs, la joie au cœur. Les serviteurs présents qui portaient les bagages me saluaient gaiement. Voici qui ne me changeait pas du Louvre. J'avais vu ma chambre, autant que nous pouvons appeler cette petite pièce « chambre ». Je la partageais avec ma bonne, avec juste une antichambre pour séparer mon lit du matelas qu'elle occupait. Mais la proximité avec la forêt, que je voyais depuis ma petite fenêtre, me mettait en joie.
Cela faisait une ou deux heures que nous étions arrivés, et Louis venait de nous convoquer pour le repas. Ma bonne, qui devenait provisoirement mon chaperon, me suivait donc à une distance respectable. Je n'avais pas encore bougé de ma chambre, et Philippe m'avait promis de me faire visiter dans l'après-midi.
Sortit d'une chambre un jeune homme qui se retourna sur mon passage. Je l'observai quelques secondes ; il semblait avoir mon âge, et était fort agréable à regarder, avec ses yeux vert mousse et ses cheveux en bataille châtain clair.
- Mademoiselle de Tréville, fit-il, visiblement content de me voir
Mais je n'avais, hélas, aucune idée de qui était ce gentilhomme.
- Monsieur, le saluai-je poliment en m'arrêtant à une distance respectable de lui.
Il comprit ma lacune, et se présenta aussitôt.
- Excusez-moi, fit-il en me faisant un baise-main. Je suis Marcus de Bourayne, comte d'Ornes.
- Le fils de Charlotte ? m'enquis-je. J'ai entendu parler de vous, monsieur.
Le visage du comte s'éclaira.
- C'est réciproque, alors, affirma-t-il. Je suppose que vous rendez au repas ? Permettez-moi de vous accompagner.
J'acceptai avec un sourire, et nous continuâmes la route ensemble.
- Étiez-vous déjà venu à Versailles ? M'enquis-je.
- Ma foi, jamais, assura-t-il. Tout comme je n'ai presque jamais quitté Paris ; cette sortie à la campagne est un peu une aventure pour moi.
- Vous n'avez presque jamais quitté Paris ? M'étonnai-je, tant l'idée me paraissait saugrenue.
Bien que j'aimais la vie à la capitale, jamais je ne pouvais m'imaginer y vivre éternellement. Ligueux était bien plus agréable !
- Le comté d'Ornes est si petit, et si proche de la capitale qu'il n'a pas toujours besoin de ma mère et moi, se justifia le jeune comte, amusé. De plus, ma mère est la confidente et la première dame de Sa Majesté la reine...
J'hochai la tête. Oui, avec ses liens envers la cour, je voyais mal Charlotte s'éloigner quelques temps.
- Il me semble que nous sommes arrivés, fit Marcus en désignant une porte ouverte en bas des escaliers principaux.
Nous descendîmes donc les grandes marches avant de nous diriger vers un côté du château. De ce que j'avais entendu, l'aile nord contenait les cuisines, et une salle à manger. Mais cette dernière était bien petite ; et nous étions bien nombreux.
- Menez-moi au prince Philippe, voulez-vous, demandai-je à Marcus.
Nous ne tardâmes pas à apercevoir mon ami, en compagnie de Livigne, l'ami du roi. Si ce dernier avait l'air embêté par le peu d'espace, le prince semblait s'amuser comme un fou, à observer tout le monde se marcher sur les pieds autour de la table.
- Tu n'es pas charitable, lui fis-je remarquer quand il ricana à la vue d'un baron qui s'étalait de tout son long après avoir essuyé un croche patte involontaire d'un vicomte.
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L'héritage de l'Espionne - Livre III
Fiksi PenggemarLa rumeur enfle. Elle arrive, elle arrive, murmurent les courtisans et les serviteurs. Mais de qui parlent-ils ? De la veuve Tréville, la veuve Tréville, ce nom est sur toutes les lèvres. Céleste de Tréville, la richissime veuve de l'ancien régent e...