⚜ Chapitre 57 : Agathe de Bourayne ⚜

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Paris, mois de juillet

Philippe

Philippe s'en voulait. Et il s'en était rendu compte un peu tard. Durant toute la soirée du bal et la journée du lendemain, il n'avait fait que maugréer contre Libby. Il avait détesté ses mots blessants, son ton tranchant, son regard agressif. En plus, s'était-il souvent répété ces dernières vingt-quatre heure, elle n'avait même pas d'arguments valables. Et c'était probablement ce matin-là qu'il s'était rendu compte que si elle n'avait pu argumenter en sa faveur, c'était parce qu'il ne le lui en avait pas laissé le temps.

De plus... Bien qu'il le lui répugnât de l'admettre, cela n'aurait pas été la première fois que Gramont aurait utilisé sa situation auprès de lui pour chasser une personne qu'il n'appréciait pas. Mais... Si Philippe voulait des précisions sur cette affaire, il ne pouvait ni demander à son amant, ni à Libby. Il allait devoir demander à quelqu'un en qui il avait toute confiance... Et qui savait tout sur ce qui se passait à la cour.

Sans qu'il ne s'en rendit particulièrement compte, Philippe marchait déjà en direction des appartements de cette fameuse personne. Il espérait la trouver rapidement.

Libby lui manquait. Affreusement. Déjà qu'ils ne se voyaient plus beaucoup lorsqu'elle avait passé une semaine à la garnison, mais la savoir dans son propre palais et ne pas venir profiter de sa compagnie le pesait encore plus. Elle avait été une des seules personnes à l'apprécier pour ce qu'il était vraiment, et non pas pour son titre. Et ces gens se comptaient sur les doigts de la main. Céleste, Aramis, sa mère, Marie, Libby... Et peut-être maintenant Marie Mancini, avec qui il entretenait une relation complice. Quoique pour Aramis et Anne, cela ne comptait pas ; l'une était sa mère, il était normal qu'elle l'aime. L'autre était un proche ami et conseiller de la reine, et... Et oui, il fallait avouer que pour Philippe, Aramis avait plus été présent que son véritable père, Louis XIII, mort à ses quatre ans. Bien sûr, il n'en avait dit mot à personne. Quelle infamie de trouver qu'un ministre avait plus fait pour lui que son propre père ! Mais c'était ainsi que Philippe le ressentait.

Oh, il n'en voulait pas à son père ; il était mort. Il ne l'avait pas abandonné. Mais si Philippe devait classer les figures paternelles de sa vie, son véritable père était loin derrière Tréville et Aramis. Mais toujours loin devant Louis ; le jeune roi avait une fâcheuse tendance à se comporter comme le père de Philippe, alors qu'ils n'avaient que deux ans d'écart.

Perdu dans ses pensées, le prince n'avait pas remarqué qu'il était arrivé. Il soupira. Puis toqua.

- Entrez, fit une voix féminine.

La voix qu'il espérait. Alors Philippe poussa la porte, et entra dans la pièce. Une paire d'yeux gris orageux se leva vers lui, vite suivit par un petit sourire. La femme secoua ses boucles auburn, et fit signe au prince de s'approcher.

- Je vous attendais, soyez-en sur, affirma-t-elle.

- Venant de votre part, je n'en doute pas, acquiesça le prince en s'affala sur un sofa en face de la femme.

Agathe de Bourayne. Fille de la veuve et comtesse douanière d'Ornes Charlotte de Bourayne, grande sœur du jeune comte, Marcus, et jumelle de la pire commère de la cour, Adèle de Bourayne. Philippe avait grandi avec Agathe et Adèle, et ils étaient tous trois inséparables, étant enfants. Le temps avait passé, leurs chemins s'étaient séparés, mais ils s'appréciaient toujours autant. Et si la source de renseignement d'Anne d'Autrice était Charlotte, celles de Philippe et de Louis étaient les jumelles.

- Laissez-moi devinez, fit mine de réfléchir Agathe. Peut-être est-ce la cause du scandale de la semaine passée que vous venez chercher ?

- Pas que je sache, sourit indulgemment Philippe.

L'héritage de l'Espionne - Livre IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant