Masigny, mois d'août
Liberté
Il pleuvait. A nouveau. Alors Maman et la reine-mère avaient eu une merveilleuse idée : en profiter pour nous faire travailler notre anglais, à Philippe et moi. Nous étions censés converser dans cette langue, assis l'un en face de l'autre, alors qu'Anne et Maman discutaient non loin, vers la fenêtre des appartements de la reine.
- I don't like english, gronda mon ami en laissant retomber sa tête contre la table.
- I know, marmonnai-je en jouant distraitement avec un livre. This exercice is so boring !
- We understand what you're saying, you know, s'amusa la reine-mère.
- We speak English, that's what you have to do, right ? Grimaça Philippe, m'arrachant un gloussement.
- Philippe, don't be rude, le réprimanda Maman avec un sourire.
- Pardon.
- Philippe, le prévint Anne.
- La leçon d'anglais est terminée ! Décréta mon ami en se levant d'un bond. J'ai une meilleure idée.
Je levai le regard vers lui. Qu'avait-il en tête ?
- Que vas-tu faire ? L'interrogeai-je.
- Je reviens !
Et il partit précipitamment à l'extérieur, sous nos regards désespérés. Maman laissa échapper un gloussement devant le regard d'Anne.
- Comme j'aurais aimé avoir une fille... grommela la mère du roi et se frottant le front. Elles sont bien plus calmes !
- C'est toi qui le dis, riposta Maman en m'adressant un regard complice. J'en connais une ici qui s'échappait sans cesse de la surveillante de sa nourrice pour rejoindre la garnison...
Je levai les yeux au ciel en entendant les deux femmes glousser. Je ne m'en souvenais même pas. Philippe revint brusquement, ouvrant la porte de la pièce avec fracas. Dans ses mains, deux épées. Dont la mienne. Je me levai aussitôt, et il me lança ma rapière. Je l'attrapai au vol, et souris en la dégainant.
- J'ai donc droit à une leçon d'escrime ? M'amusai-je.
- Pourquoi pas ? S'esclaffa mon ami en dégainant à son tour. Montre-moi ce que Gabi et Antoine t'ont appris !
- Dans mon salon, est-ce judicieux ? S'enquit la reine.
- J'essayerai de n'abîmer que ces hideuses tapisseries, je te le promets, Mère, assura Philippe en se mettant en position.
- Vas-y doucement, le prévins-je.
- A vos ordres, mon amie.
Je me mis en position moi aussi, ravie de cet interlude à nos études. Philippe se jeta sur moi et je l'esquivai, visant son côté gauche. Il bloqua ma lame, mais ne vit pas venir mon pied qui lui faucha les jambes. Il manqua de tomber, s'équilibrant de justesse, et je lui fonçai dessus, voulant profiter de l'effet de surprise. Je n'étais pas sans me rappeler que j'avais moins de facilités avec une épée qu'avec mon poignard. Hélas, j'avais laissé celui-là dans ma chambre. Sans surprise, Philippe ne tarda pas à reprendre le dessus : je ne faisais que retenir ses coups, me mettant parfois à l'abri derrière une chaise ou une table. Maman et Anne nous regardaient faire, amusée et pas le moins du monde inquiètes.
L'inévitable se produisit enfin : Philippe me désarma, et me plaqua contre lui pour m'immobiliser. Automatiquement, j'eus un geste vers sa gorge. Mais ce fut vain, je n'avais pas mon poignard. Mon ami me relâcha sous les sourires de nos mères.
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L'héritage de l'Espionne - Livre III
FanfictionLa rumeur enfle. Elle arrive, elle arrive, murmurent les courtisans et les serviteurs. Mais de qui parlent-ils ? De la veuve Tréville, la veuve Tréville, ce nom est sur toutes les lèvres. Céleste de Tréville, la richissime veuve de l'ancien régent e...