Chapitre 33

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Ellyn

Assise sur le canapé de ma meilleure amie, blottie sous mon plaid, je fixe l'écran. Cette soirée entre filles avec Mia, c'était exactement ce qu'il me fallait. Les questions qui d'habitude tournent en boucle, se tiennent loin et ça me va. J'ai besoin de me recentrer sur moi-même pour savoir ce que je veux vraiment.

Les garçons ont insisté pendant deux jours pour s'incruster, mais on avait besoin de se retrouver toutes les deux. De discuter. Alors, on a tenu bon et on n'a pas cédé. Pourquoi est-ce qu'ils tenaient tant à venir ? C'est vrai quoi, je pensais qu'au contraire, ils fuiraient ce genre de plan.

Entre ma meilleure amie et Brad, c'est allé très vite. Ils ont décidé de se mettre ensemble et de vivre leur truc. Depuis, elle rayonne. C'est tout ce qui compte. J'espère juste que ça ira, parce que derrière son masque, Brad est brisé. Il a ce regard que parfois je décèle chez Ash. Pour l'un, je connais les raisons. Pour l'autre, ça reste un mystère.

Mia fait un bond à côté de moi et je sursaute. Quelle idée de mettre un film d'horreur alors qu'elle déteste ça. J'ai essayé de la convaincre de changer d'avis, mais selon elle, il faut combattre le mal par le mal.

— Mais va pas par là, tête de gland !


Je l'observe du coin de l'œil et me retiens de rire en me mordant la lèvre.

— Ha ! Y'a la p'tite musique. Il va y passer, c'est sûr.

J'acquiesce tandis qu'elle se cache contre mon épaule et se force à regarder la suite.

— Voilà ! Il est mort ! hurle-t-elle. Pourquoi on m'écoute jamais ?

J'éclate de rire pendant que, le danger passé, elle reprend sa place. Ce genre de film ne me fait pas grand-chose. Je suis pas du genre à avoir la chair de poule devant ces images ni à hurler.

Pour la énième fois, elle plonge sa main dans le saladier de pop-corn, puis me fait les yeux doux en réalisant qu'on arrive à court. D'après elle, manger l'aide à ne pas trop paniquer. Ça m'a pas l'air très efficace.

— Dans tes rêves.

— Allez Lyn', s'il te plaît. Puis c'est ton tour.

— Tu viens de décider ça à l'instant.

Elle secoue la tête, déterminée.

— J'y suis allé avant de lancer cette horreur, c'est à toi. Puis ça m'évitera de tracer comme une fusée à travers la maison parce que j'aurais l'impression que quelqu'un est derrière moi.

Nous y voilà. Elle flippe de devoir se lever. Je me demande ce que ça va donner quand on va décider d'aller se coucher. Elle m'adresse une moue digne d'un enfant à la fête foraine qui lorgne une barbe à papa et je capitule.

— Ok ! Mais tu mets pause, je veux pas rater la suite.

— Comment on peut aimer ce genre de monstruosité ?

Je ricane, me redresse gardant mon plaid sur mes épaules et commence à m'éloigner.

— Me laisse pas trop longtemps toute seule.

Je lève les yeux au ciel, amusée.

— Si cette créature entre ici, je pourrai pas grand-chose de toute façon.

— Merci de me rassurer. Non, vraiment, c'est sympa, râle-t-elle.

Je souris et quitte la pièce avec le saladier, prête à affronter n'importe quelle entité afin de lui ramener ses friandises. Du moment qu'elle arrête de me hurler dans les oreilles à chaque fois qu'elle se fait surprendre, ça me convient.

Je remonte le couloir, dévale les escaliers, puis file à travers le salon. En passant devant la baie vitrée, je jette un œil dehors et grimace en voyant qu'il pleut des cordes. Par réflexe, je resserre la couverture sur moi. Rien qu'à la vue de ce temps, j'ai des frissons.

Une fois dans la cuisine, j'en profite et attrape un verre pour me servir de l'eau. Plantée devant l'évier, j'avale quelques gorgées et fronce les sourcils lorsqu'il me semble apercevoir une silhouette qui se faufile devant la fenêtre. Je me fige, la respiration coupée et cette même désagréable impression que j'ai depuis quelques jours m'assaille. Celle lorsque j'ai la sensation d'être suivie ou observée.

Je repose mon verre et tente de me persuader que je me fais des idées. Je vois pas pourquoi quelqu'un s'amuserait à faire ça. Ou bien Tyler recommence ses conneries comme dans la ruelle. J'inspire profondément pour penser à autre chose, sors le sachet de pop-corn du placard pour en verser dans le saladier et sursaute en distinguant quelqu'un qui m'observe à travers la porte-fenêtre. Paralysée, je le fixe tandis que je ne perçois pas son visage. Entre la nuit et le fait qu'il se dissimule sous la capuche de son sweat, impossible de voir qui c'est.

J'abandonne les grains de maïs caramélisés et me précipite vers les marches pour les monter quatre à quatre. Lorsque je surgis dans la pièce où Mia se trouve, essoufflée comme jamais, elle sursaute et fronce les sourcils.

— T'es pas bien, tu veux que je meurs ou quoi ?

— Y'a quelqu'un... dans le jardin.

Ma respiration est saccadée et aussitôt elle lâche un rire nerveux.

— C'est pas drôle, Lyn'.

— Je déconne pas. Je l'ai vu à la fenêtre de la cuisine et ensuite, il était planté devant la baie vitrée et me regardait.

Elle bondit du canapé, accourt vers moi comme si j'allais pouvoir la défendre si ce psychopathe venait à entrer, puis s'accroche à mon bras.

— Si c'est une blague, je te promets que je te tue.

— Je te jure que c'est vrai.

Elle sonde mes iris une seconde et un éclair de panique traverse les siens quand elle réalise que je suis sérieuse. La main tremblante, elle sort son téléphone et se met à taper frénétiquement sur son écran.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— J'envoie un message à Brad.

J'acquiesce et approche de la fenêtre pour scanner le jardin tout en sortant moi aussi mon portable. Instinctivement, le premier contact que je trouve dans mon répertoire est Ash'. Comme mon amie, mes doigts s'agitent pour écrire un SMS et je l'envoie sans hésiter, avant de plisser les paupières pour essayer de mieux voir dans la nuit si ce malade est toujours là.

— On devrait appeler les flics.

— T'es malade ? S'ils se déplacent pour rien, mes parents vont péter une durite et m'accuser que le film qu'on regardait m'est monté à la tête.

— Si on meurt parce qu'il entre, ils n'auront plus rien à te reprocher.

Elle me supplie du regard et je soupire.

— L'alarme. On peut la déclencher ? Tu diras que c'est ma faute, que je suis sortie sans y penser et qu'elle s'est mise en route.

Elle acquiesce et tandis que je la rejoins, elle baisse le nez sur son smartphone pour accéder à l'application de surveillance. Le pouce au-dessus du bouton qui permet de l'enclencher à distance, elle hésite et je lui arrache le téléphone de la main pour le faire moi-même.

Immédiatement, un cri strident et répétitif envahit la maison tout entière et je me bouche les oreilles tandis que Mia grimace. C'est peut-être extrême, mais j'ai pas envie de mourir.

Rᴜʟᴇ Nᴜᴍʙᴇʀ Fᴏᴜʀ [Tᴏᴍᴇ 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant