Chapitre 35

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Ellyn

Lorsque nous passons la porte de chez lui, c'est toujours sans un mot. Le trajet en voiture s'est déroulé en silence. Son doigt tapait frénétiquement le volant sans qu'il s'en aperçoive. C'est la première fois que je le vois aussi nerveux.

Jusque-là, il a toujours eu cette attitude sûre de lui. Ce côté provocant. Le défi animait souvent son regard. C'est toujours là, mais quelque chose a changé. Il semble constamment sur ses gardes, ne me quitte que lorsqu'il n'a pas le choix et pire, Brad a l'air maintenant tout aussi louche que lui. Comme si, entre-temps, il avait appris quelque chose que j'ignore. Depuis cette soirée, leur façon d'être, de se comporter, est étrange.

Ce soir, plus que les autres, je suis convaincue qu'il me cache des informations. Je le sens au plus profond de moi et je ne peux pas rester sans savoir. Sinon, je vais devenir folle. Je me triture le cerveau en permanence pour trouver ce que j'ai loupé. La seule chose dont je suis persuadée, c'est que s'est lié avec cette impression que j'ai depuis un moment. Ash est différent. Aujourd'hui plus que n'importe quel autre jour, j'en suis convaincue. Je suis même certaine qu'il l'est bien plus que ce que je l'imagine.

Cette fois, s'il ne me parle pas, je ne pourrai pas rester comme ça. Peu importe la façon dont je m'y prendrai, je découvrirai ce qu'il cache. Les sentiments naissants que j'ai pour lui m'y poussent. Mais plus que tout, mon inquiétude prend le dessus sur le reste. S'il a des ennuis, je veux savoir. Surtout si c'est à cause de moi. L'équipe, Tyler dans cette ruelle, ceux qui ont sauté sur Brad pendant la soirée. Tout me relie à ce qui s'est passé.

Pourtant, cette nuit, je veux lui donner une dernière chance de m'expliquer. Si tout est ma faute, je lui dois bien ça. Il cherche peut-être juste à me protéger.

La seule façon que j'ai de mettre les pieds dans le plat pour le forcer cette fois à me parler, c'est cette arme que j'ai surprise. Il espère certainement que c'est passé à la trappe, mais comment je pourrais faire comme si je n'avais rien vu ?

D'après Brad, il l'a sorti de sa voiture, seulement ça n'explique pas pourquoi il en possède une. Ni pourquoi il a foncé tête baissée à travers le jardin pour se mettre à la poursuite de ce malade. Il aurait pu lui arriver n'importe quoi. C'est juste comme s'il avait été guidé par quelque chose de plus fort que lui. Comme s'il s'était senti obligé de le faire.

Du coin de l'œil, je l'observe taper le code de l'alarme, enlever ses chaussures et poser les clés de sa Porsche sur la console de l'entrée. Toujours aucun son n'est sorti de sa bouche. De la mienne non plus d'ailleurs. Il repousse le moment où ça arrivera. Il se doute que je ne resterai pas sans chercher à comprendre. Jusque-là, je n'ai pas insisté, mais aujourd'hui, c'est différent. Trop de détails me préoccupent.

J'enlève ma veste, l'accroche au porte-manteau et dans cette ambiance tout aussi lourde, je lui emboîte le pas vers la cuisine. Il se sert un verre d'eau qu'il avale d'une traite et je le regarde faire son petit manège, sentant mes nerfs à fleur de peau. S'il n'arrête pas ça tout de suite, je risque de perdre patience.

— Tu veux boire quelque chose ?

Enfin, il l'ouvre. C'est comme s'il avait lu dans mes pensées ou ressenti que j'étais à deux doigts d'exploser. Je tente de garder mon calme, mais tout se bouscule tellement dans ma tête que ça va être compliqué.

— Tout dépend de si tu te décides à m'avouer ce qui se passe.

Voilà, les hostilités sont lancées. Et encore, j'ai vraiment pris sur moi pour être la plus posée possible.

Il me fixe avec cet air que je connais maintenant trop bien. Il feint de ne pas comprendre. Je ne me démonte pas et garde mes pupilles plantées dans les siennes. Il croise les bras, s'adosse contre le plan de travail et je passe mes doigts dans mes cheveux en soupirant.

— Ok, file-moi une tequila.

Il acquiesce, s'éloigne vers le salon et je le suis des yeux sans bouger. Il ne dira rien, je le sais déjà. Son comportement le prouve. Il fuit dès qu'il peut. Ça ne lui ressemble pas.

— Bordel, Ash', qu'est-ce qui se passe ?

Il se fige une seconde, attrape un verre dans le bar, la bouteille puis me sert.

— Je suis juste à cran. J'ai flippé.

Je le crois sans hésiter. Le fait qu'il avoue qu'il ait eu peur, le surprend lui-même. C'est pas dans ses habitudes.

— J'ai eu peur aussi, mais je te parle pas de ça. T'as débarqué de nulle part, en moins de cinq minutes et avec une arme. Merde, Ash, un flingue !

Il soupire, revient vers moi pour me donner ma boisson et reprend sa place contre le meuble de la cuisine de la même façon. Cependant, cette fois, il évite scrupuleusement mon regard.

— T'as des emmerdes ?

Il ricane nerveusement et secoue la tête, fataliste. J'y perçois une sorte d'impuissance. Ça me fend le cœur, autant que ça m'énerve, parce que je ne comprends pas.

— Pourquoi t'as cette arme, Ash' ?

— Pour ma sécurité.

Je fronce les sourcils. Qu'il balance ça tout à coup ne fait que m'inquiéter encore plus. Si c'est pour ça, alors, c'est vraiment qu'il a des problèmes. J'avale une gorgée, délaisse mon verre sur la table et m'avance avec précaution. Il peut se refermer à tout moment.

— Si ça va pas, tu sais que tu peux m'en parler ?

Il baisse les yeux sur moi, la mâchoire crispée et je perçois ses muscles se tendre sous son t-shirt.

— Je sais. J'ai pas d'emmerdes El'. J'ai juste ce gun au cas où. Mon vieux est assez porté sur les armes. Il m'a appris à tirer et comme ils sont rarement là, ça le rassure... enfin tu vois.

Il frotte sa nuque le regard fuyant et je hoche la tête faiblement. Si ses doigts n'étaient pas passés sur la nuque, si son regard avait soutenu le mien, je l'aurais cru, même si je peine à concevoir qu'on incite son fils à posséder une arme. J'ai vu des trucs complètement dingues dans ce monde de riche. J'aurais été surprise, mais j'aurais pu me laisser persuader. Seulement, là, il ment.

Désespérée, je cherche ses billes claires et lorsque nos iris s'accrochent, un éclair de panique zèbre les siens. Au même moment, je comprends qu'il ne veut pas ou ne peut pas me parler de ce qui le hante. Ma raison me hurle de tourner les talons, de foutre le camp, de lui en vouloir. Mon cœur, lui, me supplie de rester, de l'enlacer, de le soutenir parce que ce qu'il traverse est loin d'être facile.

Alors, c'est ce que je fais. J'approche d'un pas, passe mes bras autour de sa taille, les siens se referment instinctivement pour m'envelopper et je pose ma tête contre son torse. Son cœur bat comme un fou, il resserre son étreinte et en même temps que je me laisse aller contre lui, je me promets de découvrir seule ce qu'il me cache.

— Fais-moi confiance, s'il te plaît, souffle-t-il comme une plainte.

Je lève le nez sur lui, harponne mon regard au sien. J'ai confiance en lui plus qu'en personne d'autre et silencieusement je lui demande de ne pas me décevoir. De ne pas me faire regretter de donner de nouveau ma confiance à un mec.

Rᴜʟᴇ Nᴜᴍʙᴇʀ Fᴏᴜʀ [Tᴏᴍᴇ 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant