Chapitre 18

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Ashton

Tiré du sommeil par le jardinier qui démarre le tracteur tondeuse, j'ouvre les yeux et mets un moment à émerger. Je sais plus à quand remonte la dernière fois où j'ai autant dormi.

Soudain, je percute. Ellyn. Sa présence, pour je ne sais quelle raison, a fini par me plonger dans un sommeil comme je n'avais plus eu depuis plus de deux ans. J'écarquille les yeux, sentant qu'elle n'est plus à mes côtés et saute sur mes pieds. Si elle s'est cassée sans que je lui file le train, il a pu lui arriver n'importe quoi. Si c'est le cas, je suis dans la merde.

Je trace jusqu'à ma chambre sans prendre la peine d'enfiler mon t-shirt qui traîne par terre et récupère un flingue attaché aux lattes sous le lit. J'en ai planqué un peu partout dans la baraque. Au cas où. Légèrement paniqué, je cours jusqu'aux escaliers et les dévale aussi vite que je peux. Si elle est partie il n'y a pas trop longtemps, je peux peut-être la rattraper.

Alors que je m'apprête à traverser la pièce principale, je me fige. Elle est dans la cuisine et de là où je suis, je l'aperçois en train de danser. Sa voix me parvient et curieux, je m'approche. Sans qu'elle me remarque, je m'accote contre le mur et la détaille.

Cuillère en bois devant la bouche en guise de micro, écouteurs aux oreilles, elle saute, danse et chante. Le son de la musique me parvient légèrement et j'esquisse un sourire. Je dois avoir l'air d'un idiot à la fixer. Personne ne pourrait le nier. Cette nana a du chien. Elle est belle. Quelque chose de magnétique se dégage d'elle.

Depuis quand je pense ce genre connerie, moi ?

La voix de Pitt résonne dans ma tête. Je le vois me répéter en boucle qu'elle m'a retourné le cerveau. Ça n'arrivera jamais. Elle est juste bien trop attirante et mystérieuse pour que je laisse tomber. Rien de plus.

Je jette un coup d'œil au plan de travail et fronce les sourcils. Elle a foutu un bordel monstre.

Tandis qu'elle continue de se déchaîner sur la chanson qu'elle écoute, son regard croise le mien au moment où elle tourne sur elle-même et elle se fige. Un rictus amusé étire le coin de mes lèvres pendant qu'elle tire sur ses écouteurs. Ce petit air gêné parce qu'elle vient d'être prise en flagrant délit de folie, doublé de massacre de cuisine, lui va à merveille.

Elle coupe sa musique et me lance un regard accusateur.

— T'es là depuis longtemps ?

— Va savoir. Et toi, tu comptes faire de cette cuisine une zone de guerre ?

Elle scanne la pièce et grimace.

— Je me suis un peu laissée emporter.

Je me marre, désigne les meubles du menton, puis son visage parsemé de farine.

— Un peu ? T'as pris le paquet de farine pour ton ennemi ou quoi ?

Elle se renfrogne et se frotte la joue tout en me pointant avec son micro imaginaire.

— Te plains pas. J'essayais de te préparer le p'tit déj'.

— Le spectacle était à couper le souffle.

Elle rougit et je ricane. Je ne l'avais jamais vu piquer un fard jusque-là. Seulement ce n'est pas ce qui m'atteint le plus. Non, ce qui me percute, c'est le fait qu'elle m'avoue avoir essayé de me faire le petit déjeuner. C'est peut-être con, mais personne ne s'est jamais soucié de ce détail pour moi. Je me suis toujours démerdé. J'avais pas trop le choix faut dire. Entre l'orphelinat dans lequel ça se passait à la chaîne et ensuite l'appart où mon frère brillait par son absence, je me gérais. À ma façon.

Rᴜʟᴇ Nᴜᴍʙᴇʀ Fᴏᴜʀ [Tᴏᴍᴇ 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant