Chapitre 11

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Ashton

Trois heures que je poireaute. Je lui ai filé le train en bécane quand elle a quitté le campus pour finir devant cette immense baraque. Je trouve celle qu'on m'a attribuée trop grande, mais celle-ci l'est deux fois plus. Elle est entrée là-dedans et depuis je suis comme un con assis au pied d'un arbre à enchaîner clope sur clope. Sur le trottoir d'en face, à quelques mètres, je guette. Je pourrais me tirer et surveiller sa position grâce à son téléphone pour être sûr qu'elle ne bouge pas. Seulement, quelque chose me dit que je dois rester. J'ai comme le pressentiment qu'elle va se faire la malle. Elle n'avait pas l'air enchantée lorsqu'elle est montée dans sa caisse pour sortir du parking de l'université.

Elle tirait clairement une gueule de six pieds de long. Apparemment, les gosses de riches, peu importe ce qu'ils ont, ne sont jamais contents.

J'écrase mon mégot contre le tronc de l'arbre et sort mon portable de la poche arrière de mon jean. Autant faire passer le temps. Dégommer des méchants sur mon jeu en ligne sera un bon moyen de m'occuper. Comme toujours mes coéquipiers, ceux avec qui j'ai l'habitude de jouer, sont connectés. Dès qu'ils me voient dispo, ils lancent une nouvelle partie et nous voilà à faire équipe pour buter l'ennemi.

Je suis mauvais joueur. J'ai horreur de perdre. Si je devais dresser la liste de mes défauts, elle en ferait fuir beaucoup. Quant à celle de mes qualités, je ne me suis jamais demandé si j'en avais. Je préfère être ce sale gosse. Celui qu'on n'ose pas faire chier. C'est mieux. Moins de déceptions.

— Putain, mais bouge ton cul et descends-le, merde, râlé-je après un de mes potes.

Il ne m'entend pas. Mais dans ces cas-là il faut que j'extériorise. C'est ça ou le téléphone apprend à voler. J'en ai besoin, ce serait con. Tout en progressant à travers les rues fictives d'un désert hostile, je lance quelques coups d'œil par-dessus l'écran pour ne pas manquer le moindre mouvement qui m'indiquerait qu'elle se carapate. Manquerait plus que ça, qu'elle m'échappe.

Pendant encore plusieurs minutes, je rage contre mes coéquipiers. Ils ne sont pas assez rapides à mon goût et je leur sauve les miches une dizaine de fois avant de les saluer pour mettre fin à la partie. Je tire une nouvelle tige de nicotine de mon paquet et l'allume. Deux grosses bouffées plus tard, histoire de faire redescendre l'agacement qui monte à force de rester le cul posé, je baisse les yeux sur ma montre. Trois heures, trente-huit minutes et seize secondes. J'ai lancé un chrono. Juste pour voir. Je regrette. Ça me fout encore plus en rogne.

Soudain, comme s'il avait senti qu'il fallait me distraire, un chat approche. Merde, qu'est-ce qu'il me veut, celui-là ? Il me zyeute, miaule, mais n'ose pas avancer.

— J'vais pas te bouffer, couillon.

Il miaule de nouveau et je lève un sourcil. Ce con me répond.

Il s'allonge, s'étire de tout son long et fait une roulade. Il s'est cru chez lui.

De nouveau sur ses pattes, il observe une feuille qui passe, poussée par un léger vent et le voilà qu'il s'éclate avec. Ces bestioles sont vraiment chelou. Y'a quoi de tripant à jouer avec une feuille ?

Mon regard est attiré sur un petit tas de gravillons et j'en ramasse une poignée. Je lui en lance un et Moustache, ça lui va bien comme nom, essaie de le rattraper. Il s'amuse avec du bout de sa patte, puis lève son museau sur moi.

— Quoi, encore ?

Il miaule et je me marre. Pourtant, aussi idiot que ça puisse paraître, je m'exécute. On passe le temps comme on peut quand on doit attendre aussi longtemps.

En l'observant, je remarque que, comme moi, il se démarque. Il est tout blanc et seule son oreille droite est noire. Je repense au type des admissions lorsque je suis arrivé sur le campus et ricane.

Rᴜʟᴇ Nᴜᴍʙᴇʀ Fᴏᴜʀ [Tᴏᴍᴇ 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant