Chapitre 52

1K 74 19
                                    

Ellyn

Plantée face à lui, je n'arrive pas à détourner les yeux. Mon cœur est déchiré. D'un côté, le sentiment de trahison, la tristesse et la colère m'accablent. De l'autre l'envie de le pendre dans mes bras parce que j'ai l'impression qu'en face de moi, j'ai ce petit garçon meurtri par la vie, me torture.

Il fait un pas et je recule d'instinct. Il en fait un autre et je me retrouve bloquée contre le mur derrière moi. Prise au piège et submergée par tout ce qui s'entrechoque dans mon esprit. Il est tellement proche que son souffle se mêle au mien. Son parfum me donne le vertige et ses orbes clairs, parsemés de petites pépites noires, me font complètement perdre pied. Je suis à deux doigts de craquer, comme de me tirer. J'hésite et pourtant je lui en veux terriblement.

Non, il va falloir qu'il fasse mieux, je peux pas lui pardonner comme ça en un claquement de doigts. Même si mes sentiments, ces traîtres, sont sur le point de me pousser de nouveau entre ses bras. Il a été blessé pas la vie, je le conçois et je comprends qu'il ait mal, seulement ça ne justifie pas ce qu'il a fait.

— Je risque la taule, El'. Pour avoir grillé ma couverture. Pour ma relation avec toi. J'ai respecté aucune des règles qu'on m'a imposées, à part celle de veiller sur toi.

Son corps frôle le mien et son torse se soulève et s'abaisse au rythme de sa respiration contre ma poitrine. Son regard est suppliant. Le mien est froid, même s'il l'est moins qu'il y a encore quelques secondes.

Dans un élan d'espoir, il pose son front contre le mien et ferme les yeux. Je le laisse faire, dans l'attente, moi aussi qu'il arrive à m'atteindre derrière ce mur que je viens d'ériger. Au plus profond de moi, c'est ce que je souhaite. Pourtant, je ne peux pas lui dire. Je ne peux pas lui faciliter la tâche. Pas alors qu'il vient de me blesser.

Lorsqu'il rouvre les yeux, il pose sa main gauche contre le mur, juste à côté de ma tête et j'ai comme une impression de déjà vue. Ce simple geste a déjà eu raison de moi, plusieurs fois. Sa paume droite, d'une chaleur renversante, trouve ma joue et il caresse ma pommette avec son pouce. Je frissonne, mon cœur accélère et j'attends. Allez, Ash', je t'en prie, dis-moi quelque chose qui m'aide à revenir vers toi.

Il soupire et son éternel sourire en coin étire ses lèvres. Comme s'il se sentait vaincu. Comme s'il savait qu'il n'avait plus seule qu'une carte à jouer.

— Tu vois pas que j'suis fous de toi ? Que c'est plus fort que moi ? Que j'contôle rien ? Putain, je t'aime tellement que je pourrais en crever. Ça me fout la trouille autant que ça me bouleverse. J'ai jamais ressenti ça. Pour personne. Et il a fallu que ça tombe sur toi. Mon interdiction. La règle numéro quatre. Et si tu savais comme je m'en fous. Je regrette rien. Tu me permets de toucher mon rêve du bout des doigts et rien que pour ça, ça vaut le coup. Avec toi, j'ai l'impression d'avoir le droit d'être aimé.

Sans que je contrôle quoi que ce soit, de nouvelles larmes dévalent le long de mes joues. Pas parce que je suis triste. Même si bien sûr, ce qu'il m'a raconté me fait de la peine et que je me demande comment un enfant peut traverser tout ça et devenir la personne la plus belle que je connaisse. Si je le suis, c'est parce que même si je pensais qu'il n'y arriverait pas, il vient de m'atteindre comme personne ne l'avait jamais fait. Parfois, on pense aimer. On a aucun doute sur nos sentiments. Je réalise que ce n'est pas de l'amour que je ressentais pour Tyler, mais plutôt une forme d'attachement. Avec Ash', c'est fort, d'une pureté indescriptible et ça n'a rien à voir.

— Puis, merde, foutu pour foutu, je suis plus à ça prêt, souffle-t-il.

Ses lèvres effleurent les miennes. C'est sa façon à lui de me demander la permission. De me laisser l'occasion de dire non. Le mur s'effrite jusqu'à se désintégrer totalement et je cède.

Rᴜʟᴇ Nᴜᴍʙᴇʀ Fᴏᴜʀ [Tᴏᴍᴇ 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant