.Chapitre II. ☆

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Voici donc comment tout a commencé :

Le soleil, comme tous les matins, rayonne à ma fenêtre traversant l'épais rideau de velours pourpre de ma luxueuse chambre. Je suis la fille unique d'un riche duc.
J'ai une vie calme et paisible pour une jeune fille de mon époque. J'ai une chance presque inestimable, celle d'être riche et d'avoir un nom. Le problème étant que mon père est un tirant et que tous les hommes de sa caste au plus haut placés, ne sont guère mieux.
Tous sont obnubilés par le semblant de pouvoir qu'ils pensent posséder. C'en est pitoyable.

Je me suis toujours dit, que dès que l'occasion se présenterait, je partirai loin de cette vie d'hypocrisie et de luxe absurde. J'envie ceux qui voguent sur les océans tout au long de l'année, tout en accomplissant des actes que les grands chefs de ce pays auraient qualifiés de barbarie, mais que moi, je préfère appeler « liberté ».
Car je ne vois pas ma liberté à travers le pouvoir. Je la vois dans l'horizon.

Ce matin est donc semblable à tous ceux de ma petite existence, à un détail près. Mon père m'interpelle dès mon réveil. Je me rends dans son bureau, afin de comprendre la raison de cet entretien si soudain et inhabituel.

Le bureau de mon père est l'endroit dont j'ai le plus horreur depuis ma plus tendre enfance. Des dizaines d'animaux sont fixés aux murs, exposés là, comme de vulgaires trophées de parties de chasse sûrement déjà gagnées avant même que l'animal ne se soit rendu compte de la flèche enfoncée dans sa gorge. Les hommes comme mon père sont déloyaux et prétentieux. L'ours qui surplombe le petit bureau de chêne méticuleusement rangé, le prouve. Chaque objet a un emplacement précis, dont en dépend la valeur financière et la rareté. Les objets les plus exotiques et rares ont été mis en vitrine ou sous cloche. Comme si une simple épaisseur de verre ou de cristal peut protéger un objet cassant de tout impact. Les épais rideaux de velours rouges étouffent la lumière pâle, qui peine à traverser les carreaux aux contours dépeints des trois fenêtres qui éclairent la pièce. Ce faisceau jaunâtre ajoute au calme incessant de mon entrée dans le bureau, une atmosphère bien plus lourde et pesante qu'à l'ordinaire.

Mon père, quant à lui, se tient, comme à son habitude, droit. On aurait dit qu'une seule ligne traversait son corps des pieds à la tête, le maintenant dans une position verticale des plus impeccable. Il me fixe longuement, cherchant à capter mon regard fuyant qui détaille chaque recoin de son antre. Il racle sa gorge, comme pour me rappeler qu'il est là.

- Elisa, tu es en âge à présent de te marier. Me dit-il subitement.

Puis il ajoute :

- Ce soir sur les coups de huit heures, tu seras la femme du riche Comte Richard IV.

Je le regarde éberluée. J'ai voulu lui demander à trois fois de me répéter sa requête, mais je n'en eu pas le temps. On m'a viré de son bureau et enfermé dans ma chambre. Deux des hommes de mon père surveillent ma porte. Il m'est impossible d'en sortir. Je les trouve ridicules ces hommes, avec leur petit costume rouge bien trop serré et leur mousquet à baïonnette à peine chargé. Ils possèdent un semblant de pouvoir et cela leur suffit amplement, ils se complaisent dans leur médiocrité. Je regarde ma ridicule chambre bien trop grande et dorée pour n'importe qui de raisonnable. Et pourtant, je sais que des tas de jeunes filles de mon âge tueraient pour une chambre et une garde-robe comme la mienne. Mais moi, je n'en ai que faire de toutes ces broderies et bijoux nacrés incrustés de pierreries. Cela ne m'avait jamais rien apporté, cela ne m'apporterait jamais rien. Enfin, si, cela allait m'apporter un mari. Que vais-je bien pouvoir faire d'un mari ? Des enfants ? Certainement pas ! Je ne veux pas d'enfants. Je sais que la nourrice s'en occuperait à ma place, mais je ne comprends pas cette obligation permanente qu'ont les femmes de faire des enfants. Je ne veux pas non plus me marier. Je veux rester seule. Mais on me force à me marier ce soir.

Le SempiternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant