.Chapitre XXV. ☆

203 7 12
                                    

Au beau milieu de la nuit, Will se réveille en sursaut.
Voyant que je ne dors pas, il se tourne vers moi.
Je suis restée assise à fixer le vide depuis l'instant où je me suis réveillée. Ce cauchemar était bien trop réaliste pour moi, c'est pourquoi je n'ai aucune intention de me rendormir.

- Ça va ? Me chuchote-t-il.

Je me tourne doucement vers lui.

- Will ? Demande-je

- Oui ? Répond-il.

- On va mourir ici, pas vrai ? Le questionne-je.

Il soupire longuement.

- J'ose espérer que non. Me confie-t-il.

Il me regarde longtemps dans les yeux avant d'esquisser un léger sourire. Je me rallonge à côté de lui. Will me serre plus fort contre lui et commence à me caresser les cheveux. Je me mets à fixer ce qui sert de plafond à notre cellule.

- Will ? Demande-je à nouveau.

Il se recule délicatement et me regarde, prêt à écouter ce que je veux lui demander.

- Est-ce normal que je ne comprenne rien ? Enfin, je veux dire par là que, tout ça n'a aucun sens. Alors, oui, je sais que rien n'a de sens en général, mais je dois dire que, là, il n'y a vraiment rien de cohérent. Quel est le but de tout ça ? Pourquoi ils t'ont fait ça ? Quel est mon rôle ? Est-ce que je mérite ce qu'il m'arrive ? Et puis c'est quoi toutes ces histoires de mythes et légendes à moitié vraies ? Je suis perdue... Enfin encore plus que d'habitude... Ou alors peut-être que je l'ai toujours été autant. Peut-être que c'est seulement maintenant que j'en souffre que je le réalise complètement.

Je commence à sentir ma voix se briser et les larmes me monter à mesure que je parle.
Il me regarde droit dans les yeux sans décrocher un mot.
Je n'arrive plus à aligner mes idées correctement, tant mon esprit a subi de dommages en une journée seulement. Je me contente donc de serrer Will dans mes bras du plus fort que je le peux, de crainte que lui aussi ne soit qu'une illusion.

- Elisa, je te jure que j'aimerais tout te dire... Mais je ne peux pas... Me répond-il avec tristesse.

Je me desserre de son emprise doucement afin de capter son regard.

- Comment ça ? Qu'est-ce qui t'empêche de tout me dire ? M'offusque-je.

- C'est compliqué, vraiment tellement compliqué que n'importe qui se sentirait dépassé. Mais pour faire simple, j'ai fait une sorte de pacte, et si jamais j'ai le malheur de dire un mot de trop... Je n'ai ni envie de mourir, ni envie de te perdre. C'est pour ça que je ne peux rien te dire. Je te promets que si je le pouvais, je te le hurlerais. Mais je ne peux pas... Me dit-il réellement désespéré.

Il paraît triste. Mais je n'oublie que lui aussi peut me mentir. 

Peut-être même qu'à l'heure actuelle, il me ment droit dans les yeux.

Je ne sais pas quoi dire alors j'acquiesce simplement, lui faisant signe que je comprends ce qu'il me dit. Mais c'est faux. Je suis convaincue que je ne peux me fier à personne.

C'est sur ces bonnes paroles et dans les bras de Will que je ne trouve toujours pas le sommeil.

J'ai passé une nuit blanche avec le regard dans le vide, ne pensant qu'à une chose, la manière dont j'allais mourir.

Dès l'aube, Rave et Adam viennent me chercher dans ma cellule pour m'emmener dans la cabine du capitaine. M'attachant solidement à la chaise en bois, comme dans mon rêve. Puis ils sortent de la pièce, me laissant pour la seconde fois avec l'homme de mes cauchemars.

- Tu as bien dormi ? Me demande-t-il très calmement, assit derrière son bureau.

- Non. Je n'ai même pas dormi du tout. Dis-je sèchement.

- Navré d'apprendre que ce n'était pas à ton goût.

Un long silence s'installe.

- Elisa Owen. Commence par me dire le capitaine.


L'évocation de mon nom me laisse un goût de déjà vu étrange.


- Toute ma vie, j'ai espéré ne jamais te revoir. Continue-t-il.

- Capitaine. Ne dites rien de plus. Le coupe-je.

Il me regarde longuement.

- Pourquoi ça ? Me demande-t-il.

- Je connais toutes ces choses que vous allez me dire.

Il ouvre la bouche, mais aucun mot n'en sort.

- Comment pouvez-vous prétendre savoir ce que je vais vous dire ? Me questionne-t-il.

- Je le sais, c'est tout. Dis-je, le regard fuyant.

- Et que savez-vous ? Poursuit-il.

- Vous allez me dire que « il » me ment et que... Hésite-je.

- Et que ? Répète-t-il.

- Vous seriez mon père. Affirme-je.

- Je vois, y a-t-il autre chose dans ce cauchemar ? Questionne-t-il.

J'hésite un instant.

- Il faut que je trouve le Sempiternel. Conclus-je.

Le capitaine ne dit rien. Il se contente de ne plus bouger. 

Mon pouls augmente. J'ai l'impression de revivre mon cauchemar. 

La tête du capitaine est petit à petit perturbée par de légers spasmes, l'inclinant rapidement vers la gauche avant de la redresser. Ce spasme augmente peu à peu en rapidité. Plus il se fait rapide, plus on entend de petits craquements au niveau de ses cervicales. Les craquements se transforment en contorsion complète du crâne. 

Puis d'un coup rien. 

Le capitaine laisse sa tête morte se pencher sur son épaule gauche. 

Je suis absolument horrifiée. 

La tache rouge sur son torse réapparaît à nouveau. Je me rappelle que dans mon cauchemar, c'est à peu près à ce moment précis que Cal, Rave and Adam entrent à nouveau dans la pièce pour me jeter dans l'eau. 

Je réfléchis rapidement. Il faut que je me sorte d'ici au plus vite. Je remarque qu'un petit couteau est posé en plein milieu du bureau. Je fais glisser ma chaise du plus près que je peux et je parviens à me saisir du couteau avec ma bouche. Je me concentre rapidement pour faire tomber ce couteau dans ma main droite. J'y parviens. Je m'empresse alors de scier les cordages de mes mains, avant de m'attaquer à ceux des pieds. Le capitaine commence déjà à cracher du sang. Je bloque rapidement la porte de la cabine avec ma chaise et cherche une autre issue.

Quelqu'un tente d'ouvrir la porte, heureusement, la chaise ne bouge pas. On tambourine à la porte. De plus en plus fort. De plus en plus rapidement. 

Le hublot de la cabine, voilà mon issue. Je tente de l'ouvrir comme je peux. 

Les murs se mettent à trembler comme si partout autour de la cabine, on frappe sur les parois.

 Je parviens enfin à débloquer le loquet du hublot. Je me hisse à travers celui-ci et réussi à passer le haut de mon corps. Je me mets sur le dos afin d'avoir en visuel les différentes possibilités que j'ai pour escalader la paroi du navire. 

J'y parviens à me hisser grâce à la rambarde, je suis sur le pont. 


Une épée est à présent pointée vers mon visage. Je n'ose même pas relever les yeux pour voir de qui il s'agit.

- Elisa. Dit la voix de Cal.

- Cal. Dis-je à mon tour en me tournant vers lui.

Nous nous défions mutuellement du regard.

D'un seul coup, un bruit retentit, le regard de Cal se vide de toute expression et un trou ensanglanté apparaît au milieu de son front.

Il s'effondre lourdement à mes pieds.


Le capitaine se tient debout, à nouveau devant moi.

Le SempiternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant