.Chapitre XXXI. ☆

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La nuit passe lentement.
J'ai élaboré un plan  pour m'enfuir.
Il est hors de question que je meure de la main de ces hommes en costumes ridicules.
Dès que j'aperçois les premiers rayons du soleil depuis ma petite fenêtre, je sais ce que j'ai à faire. J'attends d'entendre du bruit sur le pont pour démarrer ma manœuvre d'échappatoire. Je me mets alors à frapper du plus bruyamment que je peux sur les barreaux de ma cellule. Puis à appeler les soldats.

Deux d'entre eux entrent armés, bien entendu, dans la pièce.
Ils me regardent longuement avec dédain.


- Pourquoi fais-tu autant de bruit ? Demande avec froideur le plus grand des deux.


- Je veux parler à votre commandant. Dis-je presque aussitôt.

Ils se regardent, puis leurs yeux dérivent à nouveau vers moi.


- Et pourquoi tu veux voir le commandant ? Réplique le plus petit.


J'ai un court instant d'absence.


- C'est personnel. Réponds-je sûre de moi.


- Le commandant n'a pas que ça à faire. Rétorque brutalement le plus grand.


Je le regarde, d'un regard si noir, qu'ils commencent à se méfier.


- C'est au sujet de mon père. Explique-je.


Ils n'osent plus rien me répondre.
Je hausse les sourcils comme pour les questionner du regard. Ils hochent la tête puis sortent de la pièce.
Environ une dizaine de minutes plus tard, celui que je reconnais comme étant le commandant du vaisseau, se tient devant moi. C'est un homme de petite taille aux cheveux grisonnants et aux airs hautains.
Il s'éclaircit la voix.


- Que me voulez-vous Demoiselle Owen ? Me demande-t-il.


- Je souhaite m'entretenir seul à seul avec vous. -Je balaye tous les recoins de la cellule d'un air dégoûté- Si possible dans un endroit plus décent. Votre cabine, par exemple. Ajoute-je.


Il me dévisage un instant. Puis il se tourne vers les deux soldats.


- Amenez-la dans mon bureau, je vous prie. Leur ordonne-t-il.


Ils se raidissent, les bras le long du corps, ils s'exclament en cœur :

- Bien monsieur !


C'est d'un ridicule sans pareil. Mais je me dois de ne pas rire. Je ne peux pas rire. Ça ferait foirer mon plan parfait.
Ils ouvrent donc ma cellule.
Comme une docile petite chose, je les laisse me passer les menottes. Ils me conduisent jusqu'au bureau du commandant.


Alors qu'ils allaient partir pour nous laisser seul à seul, j'ajoute soudainement :

- Pourquoi m'avez-vous passé ces menottes ?


Ils me regardent tous les trois, perplexes.


- Mais vous êtes dangereuse. Dit le plus petit.


- Oui, vous êtes un pirate. Reprend le grand.


Je les regarde avec un air outré.


- Je vous demande pardon ? Moi ? Un pirate ? M'avez-vous bien regardée ? Ai-je l'air d'être une de ces pourritures de pirates ? Ce serait bien mal me connaître ! M'exclame-je faussement offusquée.

Ils se regardent tous deux, avant de se tourner vers leur commandant.


- Libérez-la. Ordonne celui-ci.


Ils se raidissent, les bras le long du corps, à nouveau, je réprime un rire.


- Bien mon commandant ! Disent-ils en cœur.


Une fois détachée, les deux hommes s'empressent de sortir de la pièce, en prenant grand soin de bien fermer la porte de la cabine derrière eux.
Je m'assois en face du petit homme grisonnant.


- Que vouliez-vous me dire ? Finit-il par demander après un long silence.


Je soupire longuement.


- Je vous ai entendu... Sanglote-je avec une voix de fillette.


Il me regarde, puis arque un sourcil.


- Que voulez-vous dire par là ? Me demande-t-il.


Je commence à pleurer, de fausses larmes bien sûr, mais elles ont tout de vrai.


- Je vous ai entendu dire que vous alliez me tuer ! Pleure-je en rendant ma voix encore plus nasillarde.


Il soupire d'un air navré.


- Je suis désolé. Si la garde apprend que votre père a menti sur votre mort pour s'enrichir, il sera emprisonné. C'est pourquoi, il est hors de question que vous sortiez vivante de ce navire. Répond-il franchement.


Ils sont tous aussi cupides que stupides ma parole.


- Je vous en prie... Dis-je d'un ton chevrotant.


Il me regarde longuement.


- Désolé, je ne peux rien faire pour vous Demoiselle. Affirme-t-il.


Mais bien sûr. Il ne peut rien pour moi, quelle évidence. Ce n'est quand même pas comme s'il était le commandant de ce navire. Ce n'est pas non plus comme s'il avait le pouvoir de commander les hommes qui voguent avec lui.
Quelle pourriture humaine lui aussi.
Je décide donc de passer à l'étape supérieure. Je me lève d'un coup de ma chaise.


- Je m'en vais mourir par moi-même alors ! M'exclame-je avec ma ridicule voix de pleureuse.


Il paraît profondément choqué. Et comme je marche vite vers la porte, il me suit rapidement.
Il n'essaye pas de m'arrêter. Non. Il me suit juste.
Les soldats, eux, tentent de m'attraper, mais le commandant leur fait signe de ne rien faire.
Un attroupement s'est formé autour de moi. Nous sommes tous réunis sur le pont.
Je m'approche à grands pas de la rambarde du vaisseau militaire.


- Que faites-vous ? Demande la voix que je reconnais comme étant celle du bras-droit du commandant.


J'escalade la barrière.


Ils ont tous un mouvement de recul. Je suis à présent debout sur la rambarde. Je note qu'aucun d'entre eux ne semble assez censé ou simplement suffisamment humain pour me retenir de faire quoi que ce soit. Quelle bande d'ordures.


- Le moment serait toujours venu de prononcer ces mots. Demain, et puis demain, et puis demain, glissent à petits pas d'un jour à l'autre jusqu'à la dernière syllabe du registre des temps ; et tous nos hiers n'ont fait qu'éclairer pour des fous la route de la mort poussiéreuse. Éteins-toi, éteins-toi, brève chandelle ! La vie n'est qu'une ombre errante ; un pauvre acteur qui se pavane et s'agite une heure sur la scène et qu'ensuite, on n'entend plus.


Après avoir récité les paroles de Macbeth de Shakespeare, je me laisse tomber du haut de la rambarde dans l'océan.


Et le dernier signe que je leur adresse fut ma bague ornée d'une pierre rouge.

Et le dernier signe que je leur adresse fut ma bague ornée d'une pierre rouge

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