.Chapitre XXII. ☆

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Après m'être suffisamment éloignée des côtes jusqu'à ne plus les voir au loin, je bloque la direction du gouvernail et décide qu'il pourrait être judicieux de faire un petit somme afin de me sentir plus reposée.

Environ une heure plus tard, les rayons du soleil levant me tirent de ma courte sieste.
Je vérifie que mon cap est toujours bon grâce à ma carte, puis je me rendors.


Depuis deux semaines, mes journées se résument à peu près à ça, dormir, vérifier mes provisions, garder mon cap.

Le navire que je poursuis à un mois de distance d'avance de plus que moi. S'il décide de continuer à avancer dans la même direction que moi, ce n'est pas en un mois que je vais le rattraper, mais plusieurs. Mon deux-mâts à beau être rapide, j'ai l'impression que je ne pourrai jamais rattraper le Capitaine. 

En deux semaines, j'ai pourtant déjà réussi à gagner presque une semaine, mais ce n'est pas suffisant. Mon voyage me semble déjà interminable.

Je me retrouve donc à voguer avec mon objectif en tête. Chaque fois que mon esprit divague au fil de mes pensées, mon regard se pose automatiquement sur la pierre qui scintille à mon doigt.
Je repasse en boucle tous les cas de figure possibles face aux réactions imprévues du capitaine.

Je garde dans un coin de ma tête les paroles de ma mère.
Cette fois-ci, j'en suis sûre, c'est lui son assassin. 

J'ai beau mélanger tous les mots, essayer de décoder toutes les phrases, il n'y a plus aucun doute possible. C'est le Capitaine du Sempiternel qui a tué ma mère.

Si je retourne sur ce navire, c'est pour permettre à l'équipage de ne, certes, plus subir la malédiction, mais, c'est surtout pour venger ma mère en tuant son assassin.


Les jours se sont ainsi tous ressemblé, jusqu'à aujourd'hui.
Et ce n'est qu'au bout de deux longs mois en mer et quelques jours d'escales forcés pour me réapprovisionner en nourriture, que le point noir me désignant sur la carte est à environ six miles du Sempiternel.

J'ai anticipé le matin même la possibilité d'embarquer sur le navire pirate de nuit.
Cela m'est apparu comme étant une très bonne idée. De plus, j'ai terminé les provisions que j'avais mises dans le navire lors de ma dernière escale. Je commence d'ailleurs à manquer de nourriture.
Alors je me suis décidée une bonne fois pour toutes. 

J'ai accumulé, pendant près de onze ans, une tristesse incommensurable, suite au décès de ma mère. Mais apprendre qui est son assassin, seulement maintenant, et ruminer pendant deux longs mois, seule, sur ce petit navire, au milieu de l'océan, une vengeance digne de ce nom. 

Cela me donne pour seule et unique envie de réaliser cette vengeance.


Après avoir rassemblé absolument toutes mes affaires, je suis prête à me rapprocher du Sempiternel.

La nuit commence tout juste à tomber.

Une heure plus tard, je suis en train d'escalader le cordage qui mène au pont du navire.
Une fois hissée sur celui-ci, je m'aperçois que le pont est désert.
Je me mets alors furtivement en quête d'un membre de l'équipage que je connais. 

Mais il n'y a personne. 

C'est comme si le navire était vide.

Je me résigne finalement à descendre l'escalier de bois qui mène à la cabine de Will.
Je prends mon courage à deux mains et toque doucement.

Trop doucement puisque je n'ai aucune réponse. 

Will dort peut-être.

Je toque alors une deuxième fois avec plus de véhémence.

Qu'elle n'est pas ma surprise quand la porte s'ouvre enfin, et que ce n'est pas Will derrière, mais Cal.


Il tient, dans sa main droite, son sabre. 

Il est couvert de sang. 

Dans sa main gauche, il tient une fiole, elle aussi, remplie de sang.


La seule chose dont je suis sûre en cet instant, c'est que ce sang n'est pas le sien.

Le SempiternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant