.Chapitre XLIV. ☆

125 4 82
                                    

Les paysages nuageux qui se tiennent devant mes yeux sont d'une rare beauté. Mais je n'ai malheureusement pas le temps de les observer avec plus de précision.

Léo s'est accroupi au sol.
Il a posé sa main par terre.
Il semble être concentré.

Je le regarde perplexe, ne comprenant pas ce qu'il est en train de faire.
Il soupire longuement.

- Erreur de ma part, on n'y est pas encore. Dit-il.

Je ne sais pas par quelle question commencer.
Où allons-nous ? Que cherchons-nous ? Comment se sent-il, lui, qui a failli mourir quelques heures plus tôt ? Pourquoi semble-t-il soudainement si sérieux, lui, qui d'ordinaire ne l'est pas le moins du monde ? Qu'a-t-il fait en posant sa main au sol ?

Et encore beaucoup d'autres dans ce genre-là... Pourtant, je n'en pose aucune.
Je sens que quelque chose ne va vraiment pas. Depuis le début, je sentais toujours que quelque chose n'allait pas, mais là, c'est encore plus frustrant, étant donné que j'ai la sensation d'avoir la réponse au fond de moi.
Léo avance toujours aussi vite. Il ne se retourne même plus vers moi, tant il est concentré par son objectif. J'avance pas à pas, regardant mes pieds qui, chacun leur tour, foulent les herbes desséchées du sol montagneux.

Au fond, il le sait aussi bien que moi ; la seule raison pour laquelle nous nous soutenons autant, est que tous les deux, nous sommes terrifiés par les ravages de ce que la solitude entraîne.

La solitude vous prend et vous embarque sans retour en arrière possible.

Vous ôtant ainsi de la réalité, elle vous enferme avec votre plus grande peur, vous-même.
Personne ici, n'a plus peur de quoi que ce soit d'autre, que de soi-même.
Nous ne savons pas de quoi nous sommes capables et cela nous effraie.
Certaines situations font ressortir ces facettes désastreuses de notre être.
Nous avons tous une part de nous aussi monstrueuse que la chose, simplement, nous la camouflons.

Il ne suffit alors que d'un traumatisme, un seul et unique élément déclencheur pour la faire ressortir.

Le plus beau des anges peut être aussi le plus parfait des démons.

Mon esprit divague encore sur les conditions existentielles du sens même et subtile de la vie.

Léo et moi sommes pareils.

Voilà pourquoi je le suis et voilà pourquoi il me suit.

Nous sommes pareils de par nos différences, nos divergences, nos traumatismes, nos peurs, nos incompréhensions.
La vie nous a, à tous deux, enlevé son sens.
Léopold Artur-René Earleenvogue.
Léo.
Ce garçon aux yeux aussi brillants de désespoir que de lumière, aux cheveux si noirs que même la nuit ne peut rivaliser, son nez, qui à mon sens est parfait, ses lèvres... Ses lèvres sont devenues un objet de convoitise de tous ces instants de tentation inaboutis.
Plus je le regarde, plus je le suis, il me fait découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité à chaque instant. Plus j'apprends à le connaître, plus je me rends compte à quel point on ne peut pas se fier aux premières apparences.
Il est un objet de torture mentale, aussi bien pour lui-même que pour quiconque.
Il m'intrigue, me passionne...

- Cette fois, on y est. Dit-il d'un ton morne, tout en se tournant vers moi.

Je plonge mon regard dans le sien. J'aurais voulu ne jamais m'en détacher, j'aurais voulu m'y rattacher pour toujours. Certains se rattachent à l'espoir, moi, je me rattache à ses yeux, ils sont mon espoir.

- C'est quoi cette tronche que tu nous tires encore ? Tu vas vraiment finir par traumatiser le petit. Rit-il en s'approchant du cheval.

Son rire.
Il apaiserait chacun des problèmes de ce monde.
Sans aucune exception possible.

Le SempiternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant