Le Sempiternel

.Chapitre XVIII. ☆

Cela fait presque un mois que nous voguons vers l'Angleterre.
Je ne comprends toujours pas cette obsession que le capitaine a, de vouloir me ramener à tout prix au duché. Après tout, il aurait cent fois pu me tuer.

Ces quelques semaines, m'ont tout de même permis d'apprendre à mieux connaître certains membres de l'équipage. Je passe donc beaucoup de temps en leur compagnie. Peut-être qu'au fond, j'essaye de racheter auprès d'eux la mort de leurs amis. Mais personne à part moi ne semble m'en vouloir. 
Certains ont même commencé à m'apprendre à me battre un peu mieux. Ils sont tous plus ou moins sympathiques avec moi. 

Certains sont d'une extrême gentillesse, tandis que d'autres ne m'adressent pas un piètre mot. Cela fait bon équilibre.

Je garde toujours dans un coin de ma tête qu'au moindre faux-pas je suis morte. J'évite tout conflit, j'obéis et je me contente de faire ce qu'on me demande de faire. Rien de plus, rien de moins. Je ne veux pas attirer davantage l'attention.
Cependant, quelque chose a particulièrement attiré mon attention ces derniers temps. Les sacrifices n'ont pas eu lieu ce mois-ci.

J'ai donc demandé à Cal « Comment cela se fait-il ? », il m'a répondu :

- Six hommes sont morts sur la crique. Comme il s'agissait de la crique sacrée, il n'y a plus besoin de sacrifices pour les six prochains mois.

Donc sous prétexte que la crique était sacrée, les sacrifices comptaient pour les mois à venir ? Quelle étrange malédiction.

C'est aujourd'hui que je vais revoir mon père. 

Je n'en ai pas dormi de la nuit. Que va-t-il dire ? 

Arrivée à environ cinq kilomètres de la côte, le navire abaisse l'ancre. 

Je connais ces paysages côtiers par cœur. Je les regarde au loin. 

Je ne pensais pas les revoir un jour. 

- Bonne chance Jeanne. Me souffle Will avant qu'on ne m'attrape.

Le capitaine me fait attacher et bâillonner, afin d'éviter toutes protestations de ma part.
Je suis donc sur une barque, seule en compagnie de Cal et deux autres membres de l'équipage. Ils se nomment respectivement John, Rave et Adam.

Je me souviens de la panique que j'éprouvais la dernière fois que  nous étions dans cette barque. Nous venions de frôler la mort. 

La panique que j'éprouve aujourd'hui, dans cette même barque, est différente de celle de la dernière fois. Mais elle reste tout aussi paralysante.

Cal me fixe dans les yeux. Il ne me lâche pas du regard depuis tout à l'heure. Rave et Adam, eux, rament. John quant à lui est à l'avant de la barque et la dirige.
L'œil bleu qui me dévisage est glacial. 

Cal est un de ces gars qui écoutent simplement les ordres sans se poser de question. On ne sait jamais ce qu'il pense. Il ne dit jamais tout haut ce qu'il a derrière la tête. Quand quelque chose est risqué, il ne le fera jamais lui-même. Il est calme, réfléchit et discret. 

Il ne fait que ce qui l'arrange, c'est un opportuniste. 

Nous venons tout juste d'accoster au port lorsqu'une troupe de soldats en costumes rouge vient nous interpeller. J'imagine que ce n'est pas tous les jours que des pirates se livrent volontairement de cette manière. Mais comme ces pirates ont la vie de la future duchesse entre leurs mains, aucun soldat ne tente quoi que ce soit contre nous.

- Messieurs, je viens rendre visite au Duc Owen. Dit Cal en suivant les instructions que le capitaine avait dû lui donner.

Comme il maintient un couteau contre ma gorge, les soldats évaluent la situation et décident d'écouter la requête.