Le Sempiternel

.Chapitre XXXVII. ☆

Avez-vous déjà eu ce sentiment d'indifférence totale à tout ce qui vous entoure ?

Je dois avouer que c'est la première fois que je le ressens.
Un sentiment qui vous prend à la gorge et vous la serre, jusqu'à ce que plus rien n'en sorte.
Un sentiment qui étreint chaque émotion que vous oseriez ressentir.
Un sentiment qui a détruit chaque sentiment.
Un sentiment sans sentiments.

Vous devenez, en intérieur, plus dur que le roc.

Même la voix de votre conscience n'ose plus prendre la parole, de peur de finir elle-même, cadenassée, isolée, détruite à petit feu.

Vous vous sentez vide.

Vide de sens.

Vide du tout qui faisait que vous étiez vous.

Je viens de franchir un point de non-retour.

Je n'ai plus qu'un objectif butoir. Et quiconque se mettra sur mon passage en payera les conséquences.
La seule a chose qui me maintient les pieds sur terre, c'est ma détermination. Celle, qui, comme d'habitude, m'oblige à survivre.

Le cheval de Lya est la seule chose qui me fait encore considérer le monde. Je suis devenue indifférente à toute la misère humaine. 

La seule chose, qui compte donc véritablement en cet instant, est de retrouver Will et Cal. 

Et une fois que je saurai ce que je veux savoir, je les tuerai de mes mains.

Cela fait longtemps maintenant que nous marchons.
Mon cheval avance vite, j'arrive déjà devant le tunnel que Lya m'avait indiqué il y a deux jours. C'est une grotte souterraine, qui, selon elle, mène sur une péninsule à quelques dizaines de kilomètres de l'île. 

J'en doute fortement, mais à quoi bon remettre les choses en question, quand plus rien n'a vraiment d'importance ? 

Je m'avance donc dans le tunnel avec mon nouveau compagnon de route. 

Je ne dors pas de la nuit, le tunnel est sombre et profond. 

J'éclaire le passage grâce à une simple torche. Je marche en continu en compagnie du cheval. Mes yeux se baladent dans le vide rocheux du passage de pierres. 

Je ne dors pas non plus la nuit suivante. 

J'attends le bout de ce tunnel de l'enfer. C'est seulement au bout de trois jours entiers de marche, que j'atteins la fin de cet immense tube de roches calcaires. Nous venons de traverser la mer et je ne sais pas trop quoi d'autre, puisque, quand nous sortons, nous sommes dans une forêt. 

C'est seulement là, que je décide de faire une petite pause, simplement histoire de me maintenir en vie. 

La nuit passe rapidement. 

Le matin, je mange seulement pour tenir la journée. 

Mon cheval aussi s'est reposé. Je décide qu'il est donc temps de continuer à suivre la carte qu'elle m'avait donnée. Nous nous sommes engouffrés plus profondément dans la forêt. Il est inscrit, sur le bout de parchemin qui me sert de carte, qu'il y a une petite ville non loin de notre position.

Comme je cherche la trace invisible des deux odieux personnages qui m'ont abandonné, je peux toujours essayer de voir si quelqu'un peut m'éclairer.

Mais, je n'y crois pas.

Je prends tout de même la route vers ce village, je pourrai peut-être, au moins, me ravitailler davantage. 

Nous sommes en début d'après-midi, quand d'épais nuages noirs commencent à recouvrir le ciel. Le temps est devenu orageux.