Le Sempiternel

.Chapitre XXXIV. ☆

Je ne crois plus aux coïncidences depuis un certain temps maintenant.

Et puis, je meurs de faim, alors, autant aller sur cette île.

C'est après une heure interminable de rame acharnée, que j'accoste enfin sur la plage de cette île. Je viens d'épuiser une bonne partie de mes dernières ressources vitales.
Je suis dans un sale état, j'en conviens, mais la faim et l'espoir de trouver à manger me maintiennent encore debout.
Je suis d'ailleurs, bien heureuse que la plage de cette île ne soit pas comme celle de mon rêve. Elle est couverte de cocotiers. Après en avoir ramassé plus de noix de coco que mes bras ne peuvent en contenir, je m'installe au milieu des rochers. Après un instant, qui semble une éternité à mon estomac, je finis par comprendre comment ouvrir rapidement une noix de coco à l'aide de mon couteau. Je passe un certain temps à me délecter du fruit qui vient tout juste de me sauver de la famine.
J'entreprends ensuite de tirer ma barque de rivage jusqu'au milieu de la plage, afin d'éviter que les marées ne l'emportent. C'est ma seule échappatoire sur cette terre inconnue.
Il ne faut pas que je la perde, au cas où.
Je commence, ensuite, à faire les cent pas sur le sable. Le soleil est déjà en train de sombrer vers l'ouest.
Je décide finalement de m'asseoir dans ma barque.
Je regarde l'océan ne faire qu'un avec le rouge de l'astre solaire.
Cette couleur vibrante me fait lentement descendre le regard vers le bijou qui scintille à mon majeur.

Mille questions me viennent en tête. Pourtant, pas une seule fois, je n'ai, même seulement tenté, de les élucider.
Tous les aléas de ma vie sont finalement dus à sa présence. J'ai besoin de réfléchir à mon existence.

Je ne l'ai, je crois, pas fait depuis un moment maintenant. Peut-être parce que le fait de réaliser toutes ces choses insolites et irréelles me fait peur. 

Mon esprit humain n'est peut-être pas prêt à encaisser les dommages que cela lui procurerait.

Je sens pourtant quelque chose de différent en moi. Cela fait un moment que j'ai ce ressenti.
Mais je n'y ai pas encore prêté attention. Je l'ai étouffé.

Ou alors, ce sentiment a été enseveli par les événements récents. 

Je ne sais plus trop.

À vrai dire, je n'ai jamais vraiment su. 

Au fond de moi, cette chose grandit depuis le début.
C'est cette chose, qui m'a poussé à monter sur le vaisseau pirate.
Elle, qui m'a fait aller dans les Montagnes Noires.
Elle, qui m'a permis de retrouver la pierre.
Elle, qui m'a fait tuer mon prétendu père, le capitaine.

Je ne suis qu'une simple et banale humaine parmi tant d'autres. Comme nous tous d'ailleurs. Nous ne sommes pas plus spéciaux qu'un autre. Ce qui nous rend spéciales, c'est le fait d'y croire. Croire en cette chose qui grandit en nous. Et je viens de comprendre que je suis vouée à quelque chose de différent que ce à quoi je m'aspirais.

Je ne sais pas vraiment quel est le pouvoir de la pierre. 

J'ai beau la porter à longueur de journée, depuis un moment déjà, je ne ressens rien de différent. Et je viens enfin de comprendre pourquoi. Je n'y ai pas cru.

Certains diraient qu'ils ne croient que ce qu'ils voient, mais si nous n'y croyons pas, nous ne voyons rien. 

Tandis que le soleil laisse place à la lune, mon incompréhension laisse place à l'évidence.
Malgré mes efforts pour prolonger dans ma réflexion, la fatigue finit par me faire sombrer dans un profond sommeil.

Le lendemain matin, à l'aube, je me réveille doucement. Cette nuit a été meilleure que toutes celles jusqu'à aujourd'hui. Je ne sais pas encore à quoi m'attendre. Mais plus rien ne m'arrêtera.
Il me faut percer les secrets encore obscurs de mon existence. Et comme pour sceller un pacte avec le destin, j'abandonne ma barque sur la plage.