.Chapitre XXVI. ☆

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Le capitaine s'avance vers moi.
Je plus que paralysée, même ma respiration n'ose pas revenir.
Je suis au bord du malaise.
Mon cœur a raté au moins deux battements.
Je perds la notion du temps en cet instant.
J'ai l'impression que des semaines sont passées avant que ma respiration ne reprenne un cours normal.
Mes idées ne sont plus claires du tout.
Je ne suis plus sûre de ce que j'ai vu ou entendu.
Cal gît bien à mes pieds.
En revanche, le fait que le capitaine se tienne devant moi après ça, me fait voir flou.
Il doit y avoir une erreur quelque part. Ça ne peut pas être réel. C'est encore un rêve. Il n'y a pas d'autre possibilité envisageable. Le regard de mort du capitaine me tétanise. Il lève son arme vers moi. Plus rien.


Je me réveille dans ma cellule.
Je suis toujours dans les bras de Will.
J'ai un horrible mal de crâne.
À peine cinq minutes plus tard, Cal débarque à nouveau dans la cale avec Rave et Adam.
Ils me sortent de la cale et se dirigent vers la cabine du capitaine.
Je fais attention à un détail en particulier, le soleil est levé depuis presque neuf heures. Le cycle solaire cette journée est incohérent avec le reste. C'est comme si je revenais constamment dans la même boucle et que les mêmes actions se repassaient, sans pour autant que le temps revienne en arrière. 

C'est à en devenir fou.

Cal est donc toujours en vie, le capitaine aussi jusqu'à maintenant.
Rave et Adam m'attachent à nouveau à la chaise en face du bureau.


- Tu as bien dormi ? Me demande le barbu.

Tout se répète à quelques détails près.

- Oui. Dis-je sèchement.


Je veux voir ce qu'il se produit si je change de mon côté quelques détails.


- Vraiment ? Répond-il surpris.

- Oui, je vous assure, je n'avais pas beaucoup dormi ces derniers temps. Je suis vraiment contente de vous revoir, vous savez. Affirme-je d'une voix qui se veut abusivement gentille.

Il se contente de hocher la tête avant de reprendre :


- Toute ma vie, j'ai espéré ne jamais te revoir. Dit-il avec l'exact même ton que les autres fois précédentes.


Je soupire bruyamment. Il s'arrête et me regarde fixement.


- Qu'y a-t-il ? Me demande-t-il.


J'avais remarqué les fois précédentes que le capitaine commençait à mourir au moment où il entendait le mot « Sempiternel ». 

Et comme si l'ironie de cet acte n'était pas suffisamment poussée à son paroxysme, cela faisait maintenant trois fois que je revivais la même scène de vie. 


Mais je veux être certaine qu'il s'agisse bien de ça.


- Parlez-moi du Sempiternel. Lui réponds-je.


Celui-ci se fige plusieurs minutes. Puis, ses yeux se vident à nouveau de toute vie. Des larmes de sang dévalent ses joues creusées de cicatrices pour venir s'écraser bruyamment sur le sol.


- RAVE ! ADAM ! CAL ! Hurle-je de tout mon cœur.


Mais personne ne vient. Je remarque que les larmes de sang du capitaine agissent comme un acide sur les planches de bois. Le trou qu'elles forment ne doit pas faire plus de trois centimètres de diamètre. Mais si cela continue comme ça, elles pourraient bien percées la coque du navire. Il faut que je me détache. Je regarde mes poignées et mes chevilles un long moment avant de me rendre compte que ce ne sont plus des cordes qui me lient à mon siège, mais des chaînes.


- CAPITAINE ! Dis-je en tentant de le réveiller. Mais on ne peut réveiller un mort.


J'essaye d'avancer ma chaise, mais celle-ci a été clouée au sol. 

Je ne peux donc plus rien faire. 

Je reste là, assise, privée de mes mouvements et de toute aide, attendant que les larmes finissent par trouer la coque du navire afin que l'eau monte et que je puisse me réveiller.
Cela va bien faire une heure que j'attends. 

Rien ne se passe. 

Je n'en peux plus d'attendre.


- Faites-moi sortir d'ici ! J'hurle.


Toujours rien ne se passe. 

Je n'ai plus peur. 

Je suis simplement en colère. Cela fait six heures que je suis attachée à cette chaise. Je craque complètement. L'eau ne m'arrive qu'à mi-cheville. Il fait déjà nuit dehors. Je donne ma parole que je ne referai pas quatre fois ce même rêve. 

Il en est tout simplement hors de question. J'ai tenté plusieurs fois de retenir ma respiration, mais visiblement, mon corps ne tient pas à ce que je meurs, alors je finissais à chaque fois, par reprendre une inspiration. 

Environ onze heures plus tard, le soleil est levé à nouveau. L'eau m'arrive au niveau de la taille, je me dis que ça peut suffire. Je me penche suffisamment pour pouvoir plonger mon visage dans l'eau salée. 

J'attends.

Je m'étouffe. 

Je suffoque. 

Will me secoue. Je me réveille.
Je suis de nouveau dans la cellule en compagnie de mon colocataire.

- Mon Dieu ! Will ! Tu ne peux pas savoir comme je suis contente de te revoir ! M'écrie-je en l'enlaçant.

Will me regarde perplexe.

- Est-ce que tout vas bien ? Demande-t-il interloqué.

- Oui ! Je n'en pouvais plus ! M'exclame-je.

Il hausse un sourcil.

- De quoi est-ce que tu parles ? Tu dors depuis tout à l'heure ? Rit-il.

Je regarde autour de moi et je prête attention au décor. Je suis dans la cabine de Will.

- Tu es remontée hier soir sur le navire, tu as toqué à ma porte et tu t'es effondrée devant, alors je t'ai ramassé et mise dans mon lit. Et là, tu semblais faire un très mauvais rêve, j'ai jugé bon de te réveiller. Comment tu te sens ? Me demande-t-il.


Je plisse les draps entres mes mains comme si je doute de leur authenticité.


- Je me sens... Bizarre. Je crois que c'est le terme. J'ai fait un rêve étrange. Soupire-je encore abasourdie par les événements.


- J'aimerais beaucoup que tu me racontes ce rêve, mais tu n'as pas le temps, tu as rendez-vous dans le bureau du capitaine. Il voulait te voir dès ton embarquement, mais comme tu as fait un malaise, il t'a accordé cette nuit avant que tu ne viennes le voir dans son bureau. Maintenant, si tu veux mon avis, tu dois te dépêcher d'y aller. Il n'aime pas attendre. Sourit-il.

Je regarde Will sans vraiment comprendre. Mais ce qu'il me raconte paraît audible. J'enfile mes bottes et je monte les escaliers quatre à quatre. 

Arrivée sur le pont, il n'y a que le capitaine. 

Il est derrière son bureau. En plein milieu du pont. 

La chaise sur laquelle je me suis assise moult fois est installée devant ce même bureau.


- C'est pas vrai. Souffle-je.


Je recule. 

Je descends les escaliers aussi vite que je les ai montés et entre dans la cabine de Will. 

Mais ce n'est pas la cabine de Will. 

C'est le bureau du capitaine. 

Le SempiternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant