Instantanés : 36 - Solitudes

74 8 0
                                    

Ce cliché semble très récent, et pour quelqu'un qui connait un peu les coins cachés autour de San Antonio, il peut évoquer des bois reculés de la ville où parfois certains viennent jeter de vieux meubles comme ce canapé.

Ce cliché semble très récent, et pour quelqu'un qui connait un peu les coins cachés autour de San Antonio, il peut évoquer des bois reculés de la ville où parfois certains viennent jeter de vieux meubles comme ce canapé

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Je n'ai pas de souvenir en particulier concernant cette photo, et pourtant c'est moi qui l'ai prise, il y a quelques jours, quelques semaines, quelques mois...je ne sais plus.

Je suis tombée sur l'endroit par hasard alors que j'avais besoin de calme, j'ai trouvé touchante, l'émotion qui se dégageait de ce vieux canapé. Il avait sans doute fait son job pendant de longues années, il avait dû voir passer tellement de monde, entendre tant de secrets, et un jour, quelqu'un a décidé qu'il devenait gênant et il a été jeté là, sans plus de cérémonie.

Traite moi de fleur bleue, ou je ne sais quoi, mais j'ai trouvé ça infiniment triste.

Alors je me suis installée dessus après avoir pris la photo, il était toujours aussi confortable. J'ai juste laissé le temps passer en pensant à tout ce que le club a accompli depuis son arrivée, à tout ce qu'il nous reste encore à faire aussi.

J'ai vu comment les choses ont évolué ici. Tu as bien le club en main à présent, même s'il nous reste des lacunes, chacun a trouvé sa place Isaac, tu as fait du bon boulot. Mais personne n'ose te contredire, personne n'a le cran de venir te dire que tel ou tel choix ne lui plait pas. Je ne parle pas de s'affronter pour le plaisir, mais bel et bien de pouvoir réfléchir, ensemble, à comment faire mieux encore que ce que nous faisons actuellement.

Je t'ai vu t'isoler, petit à petit, t'éloigner de nos frères parce que tu croulais sous les responsabilités, et de mon côté je ne pouvais rien faire, je trouvais pas comment t'aider alors que j'ai juré d'être ton pilier. Tu crois que quand je vais à l'affrontement avec toi pour des broutilles c'est juste une question de caractère Isaac ?

Je sais comment je suis, et je sais aussi quand fermer ma gueule. Mais quand je montre ce côté qui vient te piquer, qui s'isole et qui tempête, c'est parce que ce n'est pas à toi de t'isoler. Tu dois pouvoir compter sur eux, à chaque instant, repose toi sur nos frères pendant que je deviens celle qui se met à l'écart Isaac. Ils ont besoin de toi et tu as besoin d'eux.

Je me suis questionnée longtemps sur la meilleure façon de procéder, et au final je dois continuer à être celle qui tempête, qui frappe du poing sur la table, celle qui fait vaguement sourire les mecs entre eux, qui fait naître entre vous cette connivence ancestrale qui vous fait vous regarder avec cet air de dire « ah les femmes ».

Je t'ai déjà dit que si tu avais besoin d'une soupape j'étais là, et pourtant je te vois accumuler cette pression encore et encore, elle t'oppresse de plus en plus jusqu'au moment où je trouve le moyen de te pousser à bout pour que tu retournes tout ça sur moi. Parce qu'il faut que tu puisse évacuer tout ça de temps à autre, pour le club, pour toi, pour nos frères.

Je ne t'en ai jamais parlé aussi ouvertement, mais ce soir j'avais envie de jouer cartes sur table.

Bien entendu, j'ai parfois l'air absente alors que je suis au milieu de vous tous, et oui, il m'arrive de m'isoler. Parce que j'ai besoin de donner corps à cette putain de solitude qui me broie de l'intérieur. C'est ma façon de la gérer Isaac, pour nous, et pour le club. Je continuerai sans doute à faire des choix qui ne te plairont pas, que ce soit en tant que Vice Présidente ou en tant que régulière et je continuerai à ressentir le poids de mes erreurs dans mes tripes, c'est le lot de beaucoup de femmes.

Mais cesse de t'isoler, rapproche toi de nos frères, ne fais pas l'erreur de tout vouloir porter seul Isaac. Tu n'es pas seul. Laisse les t'atteindre, ils ont tant à t'offrir.

Quant à moi, je resterai la grande gueule qui vous fait tous chier, mais dis-toi que parfois, le cœur de fille de la faucheuse saigne un peu pour la régulière qui cherche encore comment soutenir celui qu'elle aime sans le braquer et qui tremble toujours autant à l'idée de le perdre.


Les Enfants de la FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant