Exil : 15 - Épuisée

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L'ambulance s'est arrêtée devant les portes battantes, la civière en est descendue, dessus, un corps, couvert de la couverture fournie par Sims qui suit en moto. Rosie a eu un accident. Abbie, inquiète, a demandé de ses nouvelles entre deux vagues d'inconscience, et Sims a promis qu'il la lui ramènerait. Alors qu'il règle les formalités avec l'hôpital, on termine d'opérer Rosie. Bientôt on pourra rassurer la famille sur son état.

Dans la chambre d'Abigail, c'est un Pitt épuisé qui lui tient la main. La jeune femme s'est éveillée pour leur faire part de ses inquiétudes concernant Rosie avant de sombrer de nouveau dans l'inconscience.

Elle n'a pas vu Sims prendre son téléphone, ni entendu la conversation des deux hommes, inquiets. Son corps épuisé l'a placé de lui-même dans une sorte de sommeil comateux dont elle ne s'éveille que pour réclamer un peu d'eau. Les médecins se contentent de surveiller son rythme cardiaque et celui du bébé. Il semblerait qu'un instinct plus fort que tous leurs médicaments a pris le dessus chez la jeune mère, les protégeant, elle et son fils, des agressions répétées du monde extérieur.

Sims étant parti veiller sur Rosalind, Pitt se consacrant uniquement à Abbie, Reno prend le relais cette fois. L'homme d'habitude calme et calculateur perd son calme avec les médecins. Il les traite d'incapables, leur demande à quoi ils ont pensé quand ils ont laissé la police emporter la future mère, surtout lorsque l'on voit l'état dans lequel ils l'ont ramenée.

À son tour, l'ancien militaire fait jouer ses contacts, ses informateurs, il fronce les sourcils en apprenant l'arrestation de membres de l'IRA à quelques kilomètres à peine d'ici.

Poings serrés, il passe de nouveau plusieurs appels, il veut localiser Wyatts et Lloyd, ceux-là se retrouvent dans sa liste de personnes à abattre, juste à côté de son vieil ennemi, l'assassin de sa sœur, Gaviria.

La nuit déroule ses tentacules dans la chambre 403 de néonatologie quand enfin, Abigail Ashton ouvre les yeux. Pitt lui tient la main, il s'est endormi, assis dans le fauteuil médicalisé que l'équipe soignante lui a apporté. La future mère se dégage tout en douceur de son étreinte puis défait les capteurs qu'on a placés sur sa peau avant de se lever. Elle a le pas encore mal assuré mais, silencieuse, elle réussit à glisser sa couverture sur les épaules de Pitt avant de s'éclipser de la chambre.

Fantôme évanescent dans la robe de nuit en flanelle blanche de l'hôpital, la brune aux boucles folles titube dans les couloirs, évitant les équipes soignantes lorsqu'elle les entend. Son cœur tambourine dans sa poitrine et son fils presse sa tête contre la main qu'elle a calé sur son ventre rond. De l'autre main, elle s'appuie au mur pour ne pas perdre l'équilibre. Ses sens ne sont pas fiables, elle voit trouble par moment, elle secoue la tête à plusieurs reprises pour essayer de ne pas sombrer dans l'inconscience qui l'appelle sans cesse.

L'instinct...

C'est lui qui la mène dans le couloir des soins intensifs. Elle avance au jugé, son rythme cardiaque s'affole alors qu'elle pénètre dans une chambre où elle tombe nez à nez avec Sims qui couve des yeux une forme allongée dans le lit.

L'homme se redresse brusquement et avance jusqu'à elle pour l'empêcher d'approcher mais, contre toute attente, Abigail le repousse avec force, le faisant tomber sur le côté. Elle ne se soucie pas une seule seconde de lui, elle va droit à son but. La forme dans le lit.

Rosalind est là, reliée à plusieurs poches de produits et à des machines qui mesurent tout un tas de données que ce soit au niveau de son cœur, de son cerveau, de ses poumons. Un tube enfoncé dans son nez l'aide sans doute à respirer.

Abigail sent le sol se dérober sous ses pieds mais elle s'agrippe au lit de toutes ses forces. C'est finalement aidée par Sims qu'elle parviendra à s'asseoir au chevet de Rosy.

Là, une main sur son ventre, l'autre glissant en douceur sur les joues de Rosalind, posant son front contre le sien, elle laisse les larmes perler doucement sur le visage de la gosse en lui murmurant :

-C'est fini mon bébé, je suis là. Maman est là. Qu'est-ce que tu as fait mon cœur ?

Après de longues minutes à couver sa petite du regard, la jeune femme se redresse et fixe Sims, ses paroles, bien qu'articulées d'une voix faible, ne laissent place à aucun doute.

-Fais-moi appeler si elle me réclame et faites la transporter dans ma chambre dès que son état le permettra.

-Abbie tu as besoin de te reposer.

-Fais ce que je te dis sinon je m'en charge moi-même.

-Tête de mule !

-Merci mon frère.

Elle quitte la chambre, l'air sûre d'elle, mais la démarche toujours vacillante. Finalement, elle s'adresse à une infirmière pour lui demander de la ramener à sa chambre. C'est en chaise roulante et pestant sur sa propre faiblesse qu'Abigail regagne sa chambre où Pitt lui lance un regard courroucé alors qu'on la réinstalle sur le lit avec tous ces appareils reliés à son corps pour la surveiller.

Mais s'il est une chose pour laquelle Abbie n'a pas changé, c'est ce sourire espiègle qu'elle a sur le visage alors qu'elle embrasse Pitt sur le sommet de son crâne quand qu'il s'approche d'elle pour lui faire la morale. Un demi-sourire étire les traits du biker, alors qu'il soupire.

-T'es infernale, gamine !

Une fois rassurée sur l'état de Rosalind, Abigail reste au lit, elle suit même scrupuleusement les consignes des médecins, évitant tout effort et se pliant à tous les examens qu'ils lui demandent de subir. Cependant, son visage reste marqué par l'inquiétude permanente qui lui ronge les veines.

Malgré les demandes insistantes de Pitt, ses menaces, sa grosse voix courroucée et son chantage affectif, la jeune femme refuse toujours de dire ce qu'elle est partie faire avec les forces de l'ordre.

Finalement, elle sombre à nouveau dans un sommeil agité, l'infirmière venue prendre ses paramètres aura le cœur serré en voyant les larmes rouler sur les joues de la jeune femme pendant son sommeil alors que d'une voix brisée, lèvres entrouvertes, mains tendues, on l'entend murmurer sa litanie « Isaac ».

Les Enfants de la FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant