Encore incrédule sur le fait de se retrouver en cellule, Abigail n'a cependant pas d'autre choix que celui de s'adapter à la vie carcérale.
Les mains dans l'eau, Abbie souffle sur une mèche rebelle venue se coller en travers de son front, elle finit, agacée par se servir de son bras pour la déplacer quand trois petits coups énervants se font entendre sur la porte vitrée qui ferme sa cellule.
-Hé Ashton, t'en as pas marre de passer ta vie avec les mains dans la flotte ?
Abbie ne prend pas la peine de se retourner pour répondre. Si le gardien qui vient de lui parler, Revan, est une grande gueule, il n'est cependant pas méchant. Non, en réalité, c'est juste un gros con un peu lourd qui finit par se lasser et passe à la cellule suivante pour tenter de tuer le temps en ayant une conversation avec l'une des autres détenues.
En trois jours Abigail a remarqué que la majorité des gardiens en poste dans l'aile des détenues sous protection se faisaient chier comme des rats morts, et chacun d'entre eux passe son temps à sa façon.
Revan aime discuter, et il est imbu de sa personne. La jeune femme sait que si vraiment il lui fallait quelque chose d'un peu limite, c'est en le flattant qu'elle obtiendra de lui ce dont elle pourrait avoir besoin.
Pour d'autres petits avantages, c'est auprès d'Andrea, la gardienne du matin, qu'Abbie s'arrange. C'est auprès d'elle qu'elle a obtenu la lessive dont elle se sert depuis la veille. Elle a nettoyé tout ce qu'elle pouvait, du sol au plafond en passant par le matelas, et le mobilier métallique présent dans la petite pièce. Elle achève son grand nettoyage par les draps qu'elle étend comme elle le peut dans la petite cellule.
Le temps est chaud mais pas suffisamment pour que tout soit sec d'ici le soir. Haussant les épaules, elle se dit qu'elle passera une nuit de plus sans draps, elle a refusé de dormir dedans depuis son arrivée, leur trouvant une couleur et une odeur suspecte, mais à présent, au moins, toute la cellule sent le frais. C'est également Andrea qui lui a obtenu une tenue pénitentiaire propre, ce qui lui a permis d'instaurer un roulement dans les vêtements de la taule. Hors de question pour Abbie de vivre dans la crasse de la prison. Elle achève sa tâche et s'assied sur le matelas pour reprendre son souffle.-Ashton !
Abigail n'a pas le temps de répondre que la porte de sa cellule s'ouvre. Revan est campé devant elle, l'air mi-figue mi-raisin.
-Infirmerie.
-Laisse-moi deux secondes pour me lever et j'arrive.
L'homme hoche la tête et recule d'un pas pour la laisser passer. Une fois qu'elle est dans le couloir il pose la main sur son épaule, Abbie pivote vivement pour se dégager de l'homme, ses yeux lancent des éclairs alors qu'elle le fixe, silencieuse. Le gardien lève les mains devant lui en signe d'apaisement.
-Ho du calme détenue. Je voulais juste te dire de pas faire de connerie là-bas. L'infirmier est un peu...limite, mais si tu sens que ça dérape tu cries et j'interviens. Je serais dans le couloir.
-Limite ? C'est quoi ici, être "limite" ?
La conversation se poursuit alors qu'Abigail se laisse fouiller par la collègue féminine de Revan, une toute jeune gardienne qui semble prête à s'enfuir à toutes jambes au moindre petit geste de la future mère.
-Il va chercher la petite bête...c'est un fouteur de merde.
-J'en ai vu d'autres.
-Je déconne pas Ashton, si jamais il...enfin tu vois quoi, tu cries.
-Non je vois pas, expliques.
-Y'a des rumeurs...
-Des rumeurs ? Bordel accouche avant que ce soit moi qui le fasse là !
-Très drôle Ashton. Bah justement, une petite jeune enceinte, le mois dernier, elle a dit qu'il l'avait tripotée, sous prétexte de vérifier que le bébé allait bien.
-Et il a pas été foutu dehors ?
-Parole d'une détenue, ça a pas grand poids.
-Super...
-Écoute Ashton, s'il tente quoi que ce soit tu cries et j'arrive. Si ce que la gamine a raconté est vrai je me ferai un plaisir de lui refaire sa sale petite tronche à ce connard.
-S'il tente quoi que ce soit je lui arrache la gueule.
-Tu cries ! Basta. Tu veux pas finir en quartier disciplinaire pour ton accouchement si ?
-Putain, fais chier.
Une fois devant la porte de l'infirmerie, le gardien recule d'un pas alors qu'Abigail hoche la tête, silencieusement. Elle frappe et entre dans le petit local qui sent le désinfectant et la transpiration.
L'infirmier qui l'accueille dans la pièce a une cinquantaine d'années, coupe militaire, rasé de près il l'invite à s'asseoir face à lui en ouvrant le dossier qui porte son nom.
-Miss Ashton, un nom prestigieux. J'ai bien connu un William Ashton à Seattle, vous le connaissez ?
Abigail ferme les yeux un court instant, retenant de justesse l'émotion qui l'étreint brutalement. Sa voix est étranglée quand elle répond :
-Oui.
-Attendez...
L'homme prend ses lunettes sur le bureau et les chausses avant de fixer de nouveau la jeune femme.
-Vous êtes sa gamine ? Vous avez ses yeux...et son air buté aussi.
-Bon on peut se recentrer sur ce rendez-vous médical s'il vous plait ?
-Si c'est pas malheureux de finir en prison en venant d'une famille pareille...Pfff
L'homme secoue la tête alors qu'Abbie enfonce ses ongles dans la chaise pour ne pas lui sauter à la gorge. Finalement, hormis ce petit couac de début, l'entretien se déroule de façon simple et professionnelle. Abigail signale que son dossier médical se trouve à l'hôpital de Rosebud et signe un document permettant qu'une copie soit transférée au pénitencier afin d'assurer le suivi de sa grossesse.
Lorsqu'elle sort de l'infirmerie, le gardien l'attend, comme promis. Sur le chemin du retour, il lui demande :
-Alors ?
-Alors soit je suis pas à son goût, soit je lui fais peur, soit la nana a menti.
-Bon, de toute façon on fera la même choses aux prochains rendez-vous. Y'aura toujours quelqu'un dans le couloir, au cas où.
-Ok.
En rentrant dans sa cellule, qui, à son plus grand plaisir, sent le frais et le savon, Abigail est interpellée par une enveloppe posée sur son lit. Elle l'ouvre et y récupère une photographie d'elle et Isaac, quelques mois avant que tous les ennuis ne commencent. Elle semble avoir été prise avec un téléobjectif. On les voit, front contre front, en train de discuter dans leur jardin. La jeune femme sent sa gorge se nouer et attrape la carte postale qui accompagne le cliché.
La carte représente la ville de San Antonio vu des airs, au dos, un mot griffonné au stylo.
"Je leur passerai votre bonjour.
Kimberly Wyatts."
Pendant que la clé tourne dans la serrure et que l'agent retourne à ses occupations, Abigail Ashton crispe les doigts sur la carte postale alors qu'un vertige brutal la pousse à s'asseoir sur le lit.
Un hurlement inhumain et rageur sortira quelques détenues de leur torpeur, mais quand Revan reviendra sur ses pas, il trouvera une Abbie à l'air parfaitement calme, fixant une photographie.
Heureusement, il n'entend pas ce qu'elle murmure en caressant doucement son ventre.
-Si cette pute fais du mal à ton papa, la dernière chose qu'elle verra c'est mon visage au-dessus du sien quand je l'enterrerai vivante mon cœur, je te le promets.
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Les Enfants de la Faucheuse
Aktuelle LiteraturAbigail Ashton est née dans une famille unie et aisée, mais son caractère buté, son amour de la liberté la poussent à toujours repousser les limites. Elle croise la route des Enfants de la Faucheuse, un groupe de bikers anticonformistes. Dangereux...