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Ici il n'est pas question d'un petit mot laissé par Abbie pour Isaac. Lorsqu'il rentre chez lui, elle est présente. Le repas est prêt et un bain chaud attend le Président des Enfants de la Faucheuse. Abigail est comme à son habitude lorsqu'ils sont chez eux, elle a laissé le cuir de côté pour n'être que la régulière qui prendra soin de son homme sans poser de questions.

Attentif, il pourra remarquer des vêtements d'Abbie trempés dans un panier de linge, le bas d'un pantalon est imbibé de boue et quelques feuilles mortes y sont encore accrochées.

Cependant, ce qui l'attend c'est une enveloppe à son nom, déposé par un des frères de San Antonio, l'un de ces frères discrets du club, de ceux dont on pourrait oublier le nom tant on les voit peu mais qui restent efficaces, même s'ils ne font pas partie de ceux qu'on voit régulièrement siéger à la table. Dans l'enveloppe, une vidéo sur une clé usb et un petit mot.

La vidéo commence comme un mauvais film d'horreur, on voit des bois droit devant et aucun chemin à perte de vue

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La vidéo commence comme un mauvais film d'horreur, on voit des bois droit devant et aucun chemin à perte de vue. Au loin, une forme est reconnaissable, une femme marche, et le caméraman improvisé la suit de loin. On reconnaît la tignasse d'Abbie malgré la distance.

On entend la voix d'un homme qui chuchote :

« Ça fait des jours qu'elle vient ici, on la suit de loin en se relayant, sans oser dépasser ce rocher là-bas, on se cachait derrière en attendant qu'elle revienne, mais hier elle avait l'air vraiment...bizarre. Faut que je sache ce qui se passe.»

La jeune femme continue à avancer à travers bois, s'enfonçant toujours plus loin, elle s'arrête brutalement dans une petite clairière et retire ses chaussures qu'elle dépose sur une souche. Elle pose l'espèce de sac qu'elle tient serré contre elle depuis le début et en sort quelque chose.

Il y a un zoom qui rend l'image floue pendant quelques secondes avant de faire la mise au point. Abigail tient son violon dans les mains. Elle passe les doigts sur les courbes de l'instrument, doucement, comme si elle prenait soin d'un enfant fragile. Elle finit par redresser la tête, peut-être pour observer les alentours car la caméra a un mouvement sec, comme si celui qui la tient avait eu à peine une seconde pour se cacher.

Lorsque le cadre revient sur la jeune femme, elle a posé l'instrument sur son épaule. Elle lève la tête et inspire profondément. Il n'y a plus un bruit dans les bois autour d'eux, même l'indiscret retient son souffle jusqu'au moment où l'archet entre en contact avec les cordes.


La musique s'élève, et même si la jeune femme est assez loin de son espion improvisé, on entend parfaitement les notes. Elle a les yeux fermés, les pieds campés au sol, Abigail semble ailleurs.

La caméra a un nouveau mouvement de recul alors que la jeune femme pivote brutalement. Mais Abbie n'ouvre pas les yeux, elle vibre au son de la musique. Ses pieds vont et viennent au milieu de la clairière, elle disparaît parfois du champ de la caméra qui ne peut la suivre à découvert sans risquer de se faire voir.

On entend l'homme qui filme lâcher un « merde alors » à voix basse, pendant qu'il zoome au maximum sur la violoniste. Le visage d'Abigail n'est pas, en cet instant, celui qu'elle donne à voir au club. Le masque de la femme forte est tombé, et bien qu'elle garde les yeux fermés, son visage laisse apparaître une multitude d'émotions pour qui la connaît bien.

Ses traits reflètent la détresse, la peur, et la solitude qui semblent la broyer sur place alors qu'elle déverse une certaine forme de colère à travers son instrument, montant en puissance petit à petit.

Elle fait de grandes enjambées désordonnées sans jamais regarder où elle va, son corps semble avoir une vie propre, comme si son enveloppe charnelle était entrée en communion avec l'endroit.

À bien y regarder, elle n'a sans doute pas choisi de venir ici par hasard, il n'y a quasiment pas d'obstacle autour d'elle.

Alors qu'elle est face à cette caméra qui l'observe, les yeux toujours fermés, on peut distinguer une traînée brillante sur ses joues. Les larmes se mettent à ruisseler, de plus en plus fort, alors qu'Abbie presse le rythme, comme enragée, et plus libre que jamais, sans faux semblants.

Comme si la nature communiait avec elle, la pluie se met à tomber, d'abord doucement, puis de plus en plus fort. La violoniste, d'abord impassible, finit par ralentir ses mouvements puis par cesser de jouer pour aller mettre son précieux instrument à l'abri.

Une fois cela fait, elle replie sa main gauche dans la droite et la cale contre son ventre, les traits déformés par une douleur sourde. Elle se laisse tomber dans la boue et pousse un long cri de douleur, c'est brutal et sans filtre, elle hurle, la main serrée dans son giron, le visage tourné vers le sol et les épaules secouées violemment par la tempête qui semble faire rage en elle.

On entend un « merde » gêné qui rappelle la présence du caméraman improvisé, puis la vidéo se coupe brutalement. L'espion de fortune a sans doute été lui-même gêné de ce qu'il a capturé.

Après avoir visionné ces images, Isaac aura une longue discussion avec Abigail, s'il ne peut l'empêcher de jouer, il lui impose cependant des visites régulières à l'hôpital pour diminuer les douleurs que le maniement de l'instrument lui provoque

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Après avoir visionné ces images, Isaac aura une longue discussion avec Abigail, s'il ne peut l'empêcher de jouer, il lui impose cependant des visites régulières à l'hôpital pour diminuer les douleurs que le maniement de l'instrument lui provoque.

Ce dont Abbie ne parle pas à Isaac, c'est la raison qui l'a poussée à reprendre le violon, ce besoin viscéral d'évacuer ce qui se passe autour d'elle. La police commence à resserrer ses filets autour du club, mais si c'était la seule chose dont elle avait à s'inquiéter. Non, au plus profond de la jeune femme une minuscule graine a germé...sera elle celle qui amènera le fruit de la discorde ou au contraire une source de réjouissances. Pour le moment, rien n'est certain et Abigail Ashton, bien qu'entourée des siens, se sent plus seule et démunie que jamais.

Les Enfants de la FaucheuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant