L'aube point à peine quand une voix m'interpelle derrière la porte.
— Vyn ! Vyyyyyn ! insiste-t-elle.
Les paupières toujours collées, je vais ouvrir, même si je ne me reconnais pas avec ce prénom. Devant moi se trouve Hwon qui m'accueille avec son manque de dents.
— On y va ! s'impatiente-t-il.
— Le soleil n'est même pas encore visible.
— Justement, on doit aller voir un meunier, il habite dans un village voisin.
L'adolescent déplie le portrait d'un homme sous mes yeux pendant que je m'habille et me chausse.
— J'sais lire les chiffres, m'apprend-il sur le chemin, la somme qu'il doit est écrite-là. Il doit encore vingt-six pièces d'argent et il doit payer avant le prochain sixième jour. Il avait quatre neuvaines pour rembourser.
— Tout est renseigné au dos du dessin.
— T'sais lire ! Même les mots ? s'étonne Hwon.
— Oui...
La réflexion de mon compagnon est légitime, peu de gens savent lire, d'autant plus chez les malfrats.
— J'croyais qu'il y avait que Soon qui pouvait lire, commente-t-il. T'vas pouvoir prendre du galon ! La chance !
Chance... Je ne peux pas être certain. Curiosité, sûrement.
Il y a des trous énormes dans l'esquisse de vie que Soon m'a servie. Il y a les vérités qu'il a annoncé me cacher et tout ce que je n'ai pas l'idée de demander, mais qu'il ne me révèle pas.
La route est longue, nous parcourons une vallée pour rejoindre la prochaine, où un petit village encadré de champ semble désert.
— On est arrivés tard, bougonne Hwon. L'meunier risque d'être compliqué à trouver.
Le garçon accélère le pas, alors que je suis en nage de l'effort fourni pour parvenir jusque-là, mes plaies me tirent et mes muscles ne tiennent pas le rythme.
— Bouge-toi ! s'énerve mon acolyte.
— Soon n'avait qu'à pas nous envoyer aussi loin, je suis encore convalescent.
— Arrête d'faire ton délicat !
Entre deux cultures de millet, nous croisons des gens qui nous sourient, jusqu'à ce qu'ils aperçoivent la capucine et finissent par s'esquiver.
— On est déjà repérés, si l'meunier en a vent, il va s'planquer, râle Hwon.
— Si la discrétion était nécessaire, il aurait peut-être fallu ne pas mettre l'emblème.
— C'est ça... Et si Soon l'apprend, on a plus d'tête. C'est considéré comme d'la trahison.
— Je trouve ça stupide, mais merci de l'avertissement.
Nous continuons notre route pour monter une sente qui rejoint un moulin au bord d'un petit cours d'eau vive. Le lieu est perturbé par le crissement des pierres qui concassent les céréales.
Hwon s'arrête devant la porte, je l'imite, jusqu'à ce qu'il me regarde, étonné.
— Nous attendons quelque chose ? finis-je par l'interroger.
— Que t'rentres ! s'énerve le garçon.
— Que suis-je supposé dire ou faire ?
— Demander l'argent et l'menacer... T'es idiot ! On est pas venus passer commande ! T'voudrais faire quoi d'autre ?!
VOUS LISEZ
Frères Ennemis
ActionSe réveillant sans la moindre idée de qui il est. Vyn va croiser des usuriers dont il fait apparemment parti. Perdu entre sa morale et la dure réalité de la vie, il va vite apprendre que sans violence il ne fera pas long feu. Quand, petit à petit...