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Les fesses meurtries par les soubresauts du cheval, je finis par parvenir à Pyo où les gardes m'empêchent de rentrer avec l'animal. Il fait encore jour, mais la soirée est entamée, la ville est parée des couleurs chaudes d'un soleil sur le déclin, la beauté de cette journée estivale tranche avec ce qui arrive. La mort. Le sang. La douleur. L'injustice.

J'abandonne ma monture, les soldats méfiants me regardent avec suspicions, je réalise que j'ai l'air d'un bandit. Mes habits sont déchirés et ensanglantés.

— Rebrousse chemin, l'ami, on peut pas te laisser causer du grabuge, commente l'un d'eux.

Pendant un instant, j'imagine les tuer et poursuivre ma route. Mais si j'ai l'armée aux trousses, je ne parviendrai jamais au prince. Je pourrais tenter une autre entrée, mais je perdrais trop de temps et le résultat serait certainement le même. Impossible aussi de rentrer en douce en plein jour.

— Je suis le commandant de la garde du prince héritier Yun, dis-je avec autorité. J'étais envoyé en mission et je dois le retrouver de toute urgence.

— C'est ça ! se moque l'un de mes vis-à-vis. Vous avez eu droit à une belle cérémonie en votre honneur et vous revenez d'entre les morts.

— C'est de cette façon que vous vous comportez devant un de vos supérieurs ! éclaté-je en posant ma paume sur mon arme.

Les yeux des soldats suivent mon geste et ils l'imitent, avant que l'un d'eux les écarquille.

— C'est un sabre de commandant, souffle-t-il à son comparse.

— Je ne le répèterai pas, je suis Mun, commandant de la garde du prince héritier Yun et j'exige de pénétrer dans la cité !

Les soldats sont confus, ils se regardent et aucun d'eux n'ose prendre la décision.

Impatient, je force le passage. Craintifs, ils me laissent faire.

La nouvelle va se répandre, autant que je joue le jeu jusqu'au bout, car de toute évidence je ne pourrais pas entrer en douce dans le palais alors qu'il fait encore jour et que les rues sont pleines de gens. Au pas de course, je me rends à l'auberge et enfile mon habit vert réversible – au cas où.

Je laisse voir à la vue de tous mon allégeance au prince héritier, il n'est plus temps d'être discret. Je doute que le manque de Dyl empêche les sauvages d'attaquer. Au contraire, le ministre va sûrement hâter les choses.

Les patrouilles qui me croisent me jettent des regards stupéfaits, sans pour autant m'interpeller, et à force de bousculer les fêtards, je touche enfin au but : les portes du palais. Elles sont ouvertes et huit gardes y sont postés. Par pur automatisme, ils sortent leurs armes à mon approche.

— Commandant, m-mais... bredouille l'un d'eux.

— Laissez-moi passer, je dois voir le prince héritier Yun de toute urgence.

— On doit vous annoncer, vous ne pouvez pas rentrer comme ça. Nous ne pouvons pas directement aller parler à l'héritier Yun sans que sa majesté soit avertie en premier et nous devons nous référer au lieutenant en charge avant ça.

— Alors, dépêchez-vous ! m'emporté-je.

L'un d'eux s'en va en courant, dérapant par la même occasion et ne se rattrapant qu'in extremis. Les autres s'excusent, ils ne sont pas à l'aise et je m'en veux de leur avoir fait croire que j'étais en colère contre eux, alors que c'est la situation qui me met sur les dents.

En arrière-plan, il y a de l'agitation dans la cour que je n'avais pas remarquée jusqu'alors, des eunuques se pressent en de petits pas précipités.

— Que se passe-t-il ? demandé-je.

Frères EnnemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant