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Après un long périple dans les parties les plus reculées et les plus difficilement praticables de l'empire, nous avons fini par nous rapprocher de la capitale. Malgré notre rationnement drastique, nous n'avons plus de vivre. Même moi qui était en forme, je suis épuisé, certains qui étaient convalescents sont amaigris au possible et ressemble à des morts en sursis.

La chance nous a enfin souri, nous avons investi les abords d'une cahute pour y abriter les plus souffrants. Le capitaine Tan a désigné un groupe de chasseurs et un autre de cueilleurs, mais il ne m'a donné aucune tâche. Patiemment, j'attends en compagnie du sergent Shaun.

— Mon gars, comment tu te sens ?

— Bien.

— J'ai deux missions pour toi. Au départ, l'une d'elles était pour Shaun, mais il n'est pas en état.

Ce dernier a le regard baissé de honte et la mâchoire contractée comme s'il étouffait sa colère.

— Je me montrerai à la hauteur, cap- Tan.

— Il va vraiment falloir que tu perdes cette habitude, soupire-t-il.

Autour de nous, il n'y a plus personne, ceux qui sont encore dans notre campement de fortunes sont bien plus loin.

— Il y a ce pli que tu dois remettre à Soon, m'explique-t-il. Pour le second message, je ne peux pas prendre le risque de l'écrire, tu devras le mémoriser.

— Bien, dis-je en cachant la lettre dans ma tunique.

Le capitaine Tan me donne ses instructions et sans attendre, je m'en vais. J'aurais aimé manger un peu avant, mais si j'avais laissé la journée courir, j'atteindrais Pyo beaucoup trop tard.

En me fiant au soleil pour m'orienter, je suis les sentiers qui s'offrent à moi, cette partie de la montagne est très peu habité, mais il y a beaucoup de chasseurs ce qui rend mon trajet facile, car la multitude de passages me permet d'aller vite.

À la mi-journée, je débouche sur une zone qui m'est familière, mon allure ralentit et je cherche à comprendre pourquoi. En dépassant une éclaircie de branches, je tombe sur un tapi de bruyères fanées. Sauf que sous mes yeux, je vois le violet supplanter le vert, comme si c'était réel. Et Lya en train de jouer avec les fleurs. Ce souvenir est si vibrant que mon cœur rate un battement.

Fermant les paupières, je suis le fantôme de mon ange. Sans surprise, mais en prenant un coup dans la poitrine quand même, j'arrive au modeste logis qui nous a servi de foyer. Personne n'y vit, les enclos des bêtes sont à terre et la vision malmène davantage mon palpitant.

Le sourire de Tulan, Lya et son frère en pleine joute de regards, avant que mon ange ne m'offre un signe.

Inspirant profondément pour refouler mes larmes, je me détourne et reprends ma route, la survie de beaucoup d'hommes dépend de moi. Physiquement je m'éloigne, mais mon esprit décortique chaque réminiscence.

En ville, mon allure déplorable m'attire rapidement des ennuis. Grâce au brassage de passants à cette heure du jour, j'avais espoir de me fondre dans la masse, mais c'est raté.

— Ton nom ! s'énerve le garde que je viens d'essayer d'amadouer.

Son compagnon me fixe d'un œil mauvais.

— Vyn.

— Ta profession ?

— Je viens chercher du travail, on m'a conseillé de voir un certain Soon, tenté-je.

Le comparse muet crache à mes pieds.

— Si tu causes du grabuge, on se souviendra de toi.

Étonné de partir aussi facilement, je ne demande pas mon reste. J'avais espoir que la mention de Soon m'aide, même si ça aurait pu être le contraire, mais je ne pensais pas que ce serait à ce point.

Frères EnnemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant