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Ma tête me lance, mais la réalité me force à reprendre pied. Je n'ai pas été dans les vapes longtemps. Je suis toujours dans la cour, les blessés sont enlevés, les morts entassés à la lueur des flambeaux, c'est d'un sinistre à faire des cauchemars pendant des neuvaines. Péniblement, je me redresse alors que mes chevilles sont entravées et mes mains liées dans mon dos.

— Sire, insiste Soon d'une voix solennelle.

Un coup d'œil à la situation et je le remarque enfin, au milieu de l'agitation ambiante, à genoux devant Lyn.

— Mes ordres ont été clairs, les soldats mènent la traque, si tu continues je te mets aux arrêts. Estime-toi chanceux de ne pas déjà y être ! Tu pourrais être considéré comme un traître, mais je reconnais ta valeur, alors saisi l'opportunité.

— Laissez-moi me rendre utile ! tente Soon en repartant à la charge.

— Bien, si tu y tiens. Le commandant Mun s'est réveillé escorte-le avec les autres prisonniers dans leur nouveau quartier.

Soon se retourne et ordonne à des hommes en roses de l'aider, sauf que ces derniers se tournent vers l'empereur pour savoir ce qu'ils doivent faire. Un air supérieur marque les traits de Lyn qui prend plaisir à voir Soon sans plus aucune emprise. Avec un signe de tête, il donne son assentiment.

Mon frère ennemi me redresse lui-même et me bouscule pour me faire avancer. Avec les chevilles entravées, je chute. Les autres prisonniers n'ont pas les mêmes contraintes sur le bas du corps et ils nous doublent avec leur escorte, pendant que je peine à me relever.

Soon perdant patience hurle et se baisse pour m'aider. Sauf qu'il ne fait pas que ça, il cache un couteau dans ma manche. Je fais mine de rien et commence à reprendre la marche, mais il se positionne face à moi et me saisit par le col pour me secouer pendant qu'il m'invective à nouveau. À ma plus grande surprise, il glisse une seconde arme dans ma tunique. Je suis perdu, il a peut-être peur qu'on me fouille et que l'autre soit trouvée, mais j'ai déjà été délesté de tout ce que j'avais sur moi avant d'être ligoté, je n'ai même plus la ceinture qui maintenait mon fourreau.

Après son laïus bruyant, Soon passe tout proche de moi.

— Pour Lya, murmure-t-il.

Désarçonné, je ne comprends pas ce revirement soudain, certes, comme lui, je suis angoissé à l'idée des hommes qui la traquent. Soon ne lui ferait jamais de mal, mais comme il compte tuer ses enfants, je ne suis pas plus embêté que ça qu'il soit mis à l'écart.

Nous finissons par arriver dans les cellules positionnées entre le baraquement des gardes de Yun et de ceux du nouvel empereur. La paille au sol est fraîche, mais l'odeur que dégagent les blessés rend déjà l'air lourd. Soon me force à m'asseoir dans une cage à part, au lieu de m'entasser avec les autres.

— Tu lui offres un traitement de faveur, s'amuse un des soldats en rose.

— Il commandait, ça me parait plus juste de le tenir à l'écart de ses hommes. Et toi, qu'est-ce que tu attends pour terminer d'obéir à ceux que tu as reçus ?

Les onze geôliers vêtus de rose s'échangent des coups d'œil.

— Vous faites les bons toutous devant votre nouveau maître, mais dès qu'il est plus là, ça se ratatine comme des pruneaux.

— C'est que... Chef... On est... tente l'un d'eux.

— Oui, vous êtes contraints de vous plier à l'empereur. Qu'il vous ait promis une solde alléchante et une fonction de garde impérial n'a rien à voir là-dedans, j'ai très bien compris.

— Vous savez...

— J'ai espéré avec optimisme que vous resteriez fidèle à la capucine, mais au fond, je m'attendais à votre trahison.

Frères EnnemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant